Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 278

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LES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF AU XVIIIe SIÈCLE

faillite47.  » Ces trois circonstances exceptées, il ne pouvait donc pas y avoir de
communication des livres à des tiers. Couchot y voit le rempart du fameux secret :
« Hors ces cas, le marchand ou négociant n'est point tenu de représenter ni communiquer ses livres, parce qu'il n'est pas juste qu'il contente la curiosité d'un autre
qui voudroit sous quelque prétexte découvrir le secret de ses affaires, & l'état de
sa fortune48. » Les associés n'ayant pas été mentionnés dans le texte, la doctrine a
confirmé qu'ils y avaient bien sûr accès autant de fois que nécessaire49. Les députés du commerce l'ont confirmé et ont également répondu à la question de savoir
où les livres pouvaient être consultés. En l'occurrence, un associé refusait d'aller
les examiner au comptoir de la société et prétendait en prendre connaissance dans
un lieu différent, ce qui lui a été refusé50. Sur ce même sujet, une question s'est
posée à une maison de Paris qui était en société pour ses affaires avec une maison
située à La Corogne en Espagne. La maison de La Corogne avait bien adressé
chaque année un inventaire et la balance générale de ses comptes conformément
à l'acte de société mais ses associés de Paris ont exprimé le souhait de voir les
livres de compte et ont demandé à leur représentant en Espagne (La Goanère) de
les apporter à Paris. Après réflexion, celui-ci s'y oppose en faisant valoir différents
arguments. Il souligne d'abord que le déplacement de ces livres les exposerait
« aux hasards de la mer », ensuite que ces livres devaient être régulièrement mis à
jour pour suivre les opérations en cours, ajoutant qu'il est un usage général du
commerce que « les livres d'une maison et sa correspondance restent dans le lieu
même de son établissement », et rappelle que les lois de l'Espagne « font de l'enlèvement des livres et papiers d'un négociant un délit punissable ». Il fait d'ailleurs
preuve de sa bonne volonté en proposant de « faire passer successivement à Paris
les différentes parties de son livre51. »
291.  À l'article 10 qui suit, l'ordonnance du commerce de 1673 précise dans
quelles conditions ces livres peuvent être dévoilés à des tiers avec lesquels un
47. Ordonnance du commerce de 1673. op cit, tit III, art 9. Dans le titre XI de l'ordonnance
« Des faillites & banqueroutes », il est indiqué les risques auxquels s'exposeraient les marchands et
négociants en ne présentant pas leurs livres en cas de faillite, art 11 : « Les négocians et les marchands,
tant en gros qu'en détail, et les banquiers, qui, lors de leur faillite, ne représenteront pas leurs registres
et journaux, signés et paraphés, comme nous avons ordonné ci-dessus, pourront être réputés
banqueroutiers frauduleux. » Voir infra : § 393.
48. Couchot, op cit, Liv II, ch II, p. 55.
49. J. Toubeau, op cit, t 2, Liv 2, tit III, ch 1, p. 86 : « Un associé qui aura rendu compte peut être
obligé de le rendre une seconde fois si un autre associé le demande, soutenant qu'il n'a pas été rendu
fidèlement ou entièrement, ou qu'il y a erreur. »
50. Avis  des députés du commerce du 20  janvier 1790 « sur la demande du Sr Mingeaud
négociant à Marseille à fin de cassation d'un arrêt du Parlement d'Aix  rendu le 20  juin 1789 ».
Audibert, Sargent, Mingeaud. Extrait de l'avis des députés à propos de l'article  9 du titre III de
l'ordonnance du commerce de 1673 : « [...] le législateur a senti qu'il ne pouvoit pas y avoir de secret
dans les livres d'un négociant pour des associés qui ont le droit de partager entre eux les effets d'une
société et qui seroient dans l'impossibilité de procéder à ce partage, s'ils n'avoient pas sous les yeux les
livres qui en renferment les indicatïons  [...] cet article détermine seulement les circonstances dans
lesquelles un négociant peut être obligé a représenter ses livres de commerce et n'astreint pas les
associés à représenter et déposer les livres de la société dans un lieu neutre en un mot puisque la loi est
muette à cet égard et ne fixe pas le lieu où doivent être déposés les livres d'une société en cas de
contestation des associé. » (AN F12724).
51. Mémoire d'arbitre, s d, circa mars 1787. La Goanère, Rachinel. Marchands merciers. Sur le
fond, les arbitres font valoir d'une part que le différend entre les parties sur les comptes n'est pas
identifié et d'autre part qu'ils ne peuvent pas se prononcer du fait que La Goanère et sa maison ne
sont pas dans le ressort de leur juridiction. (AP D6B6 18).

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