Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 319

Le décès d'un associé

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belle-fille19. Tous les actes ne sont pas aussi rigoureux et laissent une certaine liberté
aux associés afin de convenir après le décès de la solution qui paraîtrait la plus
appropriée. La recherche de la protection des intérêts familiaux n'est pas d'ailleurs
sans ambiguïté. Lorsqu'il s'agit de membres de leur famille, les associés sont prêts
à leur faciliter l'accès à la société après leur décès mais ils s'inquiètent en revanche
que d'autres associés puissent avoir la même prétention et qu'ils se trouvent
confrontés un jour à des personnes qui leur soient étrangères. La protection des
intérêts de la société peut alors prendre le pas sur d'autres considérations.
B. UNE AVERSION AU CHANGEMENT
335. Si les associés cherchent à maintenir l'emprise de leur famille, ils ont également pour objectif de s'assurer que la société puisse poursuivre ses activités dans
les meilleures conditions possibles. Une clause d'agrément est un moyen de se
défendre contre des intrusions mal venues et de rester entre soi. Elle figure ainsi
dans un acte de société de 1762 : « En cas de mort des associés, aucun des veuves,
héritiers et représentants n'aura le droit de paraître en nom dans la société qu'il ne
soit agréé unanimement des associés restant20. » De cette manière, les associés pourraient éviter de se faire imposer une personne qui n'aurait pas leur faveur21. Cette
approche est cependant critiquable et se trouve rarement sous cette forme dans les
actes de société. Elle conduit en effet à confondre le départ d'un associé à celui de la
mort d'un associé. Un décès a pour conséquence une succession qui permet à la
société d'assurer à travers les liens familiaux de ses associés sa pérennité. L'intérêt
des associés n'est pas de s'opposer aux héritiers mais de leur trouver leur juste place.

SECTION 2
LA SITUATION DES HÉRITIERS
336. Le titre IV de l'ordonnance du commerce se termine par l'art. 14 qui se
réfère aux héritiers : « Tout ce que dessus aura lieu à l'égard des veuves, héritiers
et ayans cause des associés22. » Comme le souligne Pothier, si les héritiers sont
légitimement préoccupés par la succession de l'associé décédé, ils n'ont pas pour
19. Acte de société du 23 mars 1768. Lempereur, Gibert Joaillerie. Art 17 : « Arrivant le décès
dudit S. Lempereur père pendant le cours de la présente société, son droit demeure réservé à la dame
son épouse ; arrivant celui de ladite épouse après le décès de son mari, son droit en ladite société
demeure réservé audit S. Lempereur fils seul qui audit cas tiendra seulement compte à ses cohéritiers
de 50 000 livres montant de la mise dudit sieur son père en ladite société, et dans le cas de décès du
Lempereur fils après celui desdits père et mère, il sera libre à ladite son épouse de continuer la présente
société sous les mêmes charges et conditions qu'elle est établie ou de retirer les marchandises qui
composeront la mise de son mari en ladite société qui en ce dernier cas demeurera résiliée pour le
temps qui en resterait lors à expirer et à l'exception du dernier cas qui vient d'être prévu lesdits
Lempereur père et mère pourront seuls remplacer ledit S. fils sans que son épouse, ses enfants et
représentants puissent demander aucun compte ni partages par le canal desdits Lempereur, père et
mère. » (AP D3B6 7).
20. Acte de société du 4 octobre 1762. Fresnais, Bernard. Manufacture de boutons. Art 25.
(AN MC/ET/XLVII/189).
21. J. Toubeau, op cit, t 2, Liv 2, tit III, ch 1, p. 79 : « [...] n'étant pas juste qu'un homme qui se
choisit un associé, en ait un autre malgré luy ; de sorte que Manlius dit que l'héritier d'un associé ne
peut pas entrer dans une société, quoiqu'il fût dit dans l'acte, si les associez ne le veulent »
22. D. Jousse, op cit, § 14, p. 101, À l'égard des veuves, héritiers etc. : « Quand même cette veuve
ou ces héritiers ne feraient point le négoce, et qu'ils seraient d'une autre profession. »

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