Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 45

Une société forte de son nom

exposées. Il n'était pas d'ailleurs partagé par toute la doctrine si l'on en juge par
les propos de Denisart : « Nous ne parlerons point ici d'une espèce de société,
qu'on appelle anonyme, qui ne se fait sous aucun nom, mais où tous les associés
travaillent chacun sous leur nom particulier, sans que le public soit informé de
leur société, & se rendent ensuite compte les uns aux autres des profits & des
pertes qu'ils ont faits dans leurs négociations : elles sont réprouvées par l'ordonnance, à cause des abus qu'elles causent dans le commerce63. »
40. Peu de temps après la publication de l'ordonnance du commerce, les
parères ont cherché à préciser les modalités de son application par des exemples
concrets. Plusieurs parères ont été consacrés à des questions relatives aux sociétés64. Or, en se fondant sur un examen sourcilleux des textes de l'ordonnance, les
parères excluent le plus souvent la qualification de société en nom collectif à des
associations qui en ont pourtant des caractéristiques, au profit des sociétés anonymes65. Le parère XL en donne le motif de manière sibylline : « [...] l'esprit de
l'ordonnance n'est seulement que de réprimer les abus qui se commettent dans les
societez collectives66 [...] » Cette phrase pourrait traduire un souci pédagogique
afin de faire mieux connaître et observer les nouvelles règles qu'elle contient et
réprimer ainsi les « abus » des sociétés en nom collectif. Elle pourrait également
être une manière d'offrir aux associés qui trouveraient la réglementation trop
contraignante une forme de société qui correspondrait mieux à leurs vœux : « [...]
Mais supposé même que l'acte de société en question demeurât nul entre les associés [...] cette société qui étoit collective deviendroit une société anonyme, ou
compte à participation à temps ; laquelle société n'a pas besoin d'être registrée, à
cause que le public n'y a aucun interest, & parce que la société anonyme, ou en
participation, n'a point de nom social, comme la société collective. Les associez
anonymes ne s'obligent point l'un & l'autre, comme font les associés collectifs,
parce que chacun agit en son nom ; tant dans l'achat que dans la vente, & tous les
actes que chacun des associez fait concernant le commerce, ne sont point signés
du nom social, il n'y a seulement que celui qui signe l'acte, qui s'oblige : ainsi celui
qui négocie avec un des associez, ne reconnoît que lui seul67. » Ce serait aussi une
façon de répondre aux critiques dont l'ordonnance du commerce de 1673 avait été
l'objet et auxquelles Savary ne pouvait rester insensible.
commandite, mais elle n'assujettit point à la même formalité, les sociétés anonymes ou momentanées ;
la désignation expresse des deux premières sortes de sociétés, emporte nécessairement l'exclusion des
autres. » (AP D1B6 34).
63. J.- B. Denisart, op cit, t. IV, n° 20, p. 540a
64. J. Savary, Le Parfait Négociant, t 2, contenant les parères ou avis et conseils sur les plus
importantes matières du commerce, op cit, Paris, 1724. Sur les douze parères concernés, trois (XL, LXV
et LXXXI) portent plus particulièrement sur la question de la reconnaissance des sociétés en nom
collectif.
65. J. Savary, parère LXV, op cit, délibération du 22 février 1687. Du Pin, Thébaudière, p. 515.
Question relative à l'existence d'une société en nom collectif entre un père et son fils dans le commerce
de toiles. Des erreurs dans les intitulés de la requête, l'omission de la mention « et compagnie » dans
la raison sociale ou encore le fait qu'il n'ait pas été produit un acte de société écrit enregistrée au Greffe
amènent à considérer cette société comme momentanée en privilégiant, semble-t-il, un respect strict de
la réglementation qui tranche avec les réalités de la vie marchande : [...] » Cette même approche se
retrouve dans le parère LXXXI, délibération du 30 août 1688, p. 591-597. Pierre, Paul et Jacques. Ce
ne sont pas tellement les éléments factuels et qui porteraient sur des anomalies touchant les lettres de
change, qui semblent retenir l'attention de Savary pour déterminer s'il s'agit d'une société en nom
collectif mais le rappel des dispositions réglementaires.
66. J. Savary, parère XL, op cit, délibération du 19 septembre 1682, Veuves Hamby. p 328.
67. id.

978-2-275-08824-2__DOCFILE__4e_couverture.indd 31

16/12/2020 11:58:21

Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle