Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 77

Une société forte de sa cohésion

réservés pour le maintien de leur fortune et de leur considération. S'il étoit permis
des interprétations forcées et par des suppositions des faits de dénaturer la qualité
des commanditaires, ce genre de spéculation seroit éfarouché, et le commerce perdroit l'avantage et la ressource inapréciable de l'association de l'industrie sans
fonds et des fonds sans industrie8. »
79. Ces deux exemples montrent les difficultés qu'il y avait à bien cerner la
place qui revenait à chacun des associés. La réalité était plus complexe. Il ne fallait
pas omettre non plus les hommes de paille, associés collectifs de complaisance et
la confusion entretenue par des associés ayant des motifs plus ou moins louables9.

SECTION 2
L'ENJEU STRUCTUREL
80. La question des pouvoirs revient à s'interroger sur la manière dont les
risques sont assumés. L'un n'allant pas en principe sans l'autre. La réunion des
pouvoirs et des risques en les mêmes mains représente en effet un des éléments
structurels de la société en nom collectif dont il scelle la cohésion. Or, en pratique,
la nécessaire conjonction de ces deux termes n'est reconnue que de manière incidente par la commandite (§ 1). Elle est cependant au cœur des évolutions à venir
et qui se manifesteront dès le xviiie siècle avec notamment les sociétés de capitaux
fondées sur ces principes (§ 2).

§ 1. LA RÉUNION DU POUVOIR ET DES RISQUES
81. Le commanditaire qui exerce insidieusement le pouvoir n'en tire pas les
conséquences sur les risques qu'il est amené lui-même à supporter. Il demeure
dans les bornes de sa mise. Ce ne serait pas critiquable en soi, si face à lui, le complimentaire ne continuait pas à supporter les risques sans limites. Le pouvoir et les
8. Avis des députés du commerce des 22 mai 1787, 17 juillet 1788 et 27 février 1789 dont date le
texte ci-dessus. Ces différents avis portent non seulement sur la qualification du statut de Guys dans
la société mais également sur différents points connexes soulevés par la partie adverse. Ils montrent
l'opiniâtreté du parlement de Provence ainsi que le sérieux avec lequel les députés examinaient les
dossiers qui leur étaient soumis. L'avis du 22 mai 1787 a été prononcé sur la requête de Guys contre
un arrêt du parlement de Provence du 13 mai 1786 qui confirmait une sentence de juges et consuls de
Marseille en date du 21 décembre 1784. Par cet avis, les députés déclaraient être « si frappés de ces
contraventions [aux dispositions légales] qu'ils ne se feroient aucune difficulté de conclure à la
cassation de l'arrest quant aux dispositions attaquées par le troisième moyen ; s'ils ne croyoient point
que l'arrest est susceptible d'une cassation absolue [...] » Le Conseil de commerce du 9 août 1787 suit
cet avis. Par leur avis du 17 juillet 1788, les députés confirment leur point de vue. La partie adverse
s'opposant à la cassation de l'arrêt du parlement de Provence, les députés du commerce par leur
dernier avis du 27 octobre réitèrent leur position et déclarent qu'en « confirmant la cassation il ote à
l'intérêt particulier la faculté de méconnaître, plus longtemps l'empire des loix les plus importantes
pour le commerce. » (AN F12724). Voir infra § 401.
9. J.-M. Pardessus, op cit, § 1028, p. 102 : « Il est important que le droit qu'ont les citoyens de
varier leurs stipulations au gré de leurs intérêts, ne dégénère pas en moyens de tromper, et par
conséquent on doit proscrire ces clauses équivoques, à l'aide desquelles un associé s'assureroit la
chance, d'être ou collectif ou commandite suivant le besoin, et ces conventions qui, tout en qualifiant
un associé de commanditaire , lui attribueroient des droits que peut seul exercer un associé en nom
collectif. »

978-2-275-08824-2__DOCFILE__4e_couverture.indd 63

16/12/2020 11:58:23

Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle