Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 87

les acteurs

73

soulignant l'utilité pour le bien général de leurs travaux et les profits qu'ils en
retirent7. À cet effet, ce texte s'emploie à donner à chacun un rang et une condition
propres à le satisfaire. Il précise les équivalences auxquelles les marchands peuvent
prétendre dans d'autres métiers : « [...] Il est vrai que les marchands ne sont considérés que comme les premiers d'entre les artisans, comme quelque chose de plus
mais guère davantage. Il faut qu'ils conviennent aussi que c'est proprement là leur
rang. Il ne faut pas qu'ils prétendent aller de pair avec les juges, ni avec les officiers
d'armée, ni avec les officiers supérieurs de la maison du Roi. Ils ne peuvent prétendre la concurrence qu'avec les officiers subalternes tels que sont les greffiers qui
expédient, qui sont proprement des commis des greffiers, avec les notaires, avec les
procureurs, avec les huissiers ; et avec les officiers inférieurs de la maison du Roi ;
mais ceux-ci leur causent peu de jalousie, parce qu'ils se rencontrent rarement
ensemble. Il ne faut qu'ils prétendent aller en concurrence avec les gentils hommes,
ni avec les secrétaires du Roi. Il ne convient pas non plus qu'ils puissent devenir
secrétaires du Roi, ni que ces charges soient compatibles avec le commerce8.  »
Révélateur des mentalités de l'époque, ce texte montre dans quel ordre hiérarchique les différents métiers étaient placés. Il y avait ainsi des distinctions subtiles
entre les différents types de marchands qu'ils participent ou non à la fabrication
des marchandises qu'ils vendent9, qu'ils soient plutôt des artisans ou qu'ils soient
des marchands forains10. Ceux qui tiennent des « ateliers » pouvaient aussi être
considérés comme marchands dans une acception très large de ce terme11.
B. LES AMBITIONS RESPECTIVES DES MARCHANDS
ET DES NÉGOCIANTS
90.  En 1761 un mémoire du Corps des merciers s'efforce d'apporter quelque
lumière sur leurs caractéristiques communes en soulignant que le marchand est
7. Mémoire sur la décoration des commerçants, in Rapports et requêtes sur le commerce, s d, circa
1701  : « Il est plus honorable que le commerce subsiste seul et se soutienne par lui-même, que le
marchand se fasse honneur de sa profession, que ce soit son habileté, sa probité et le bien qu'il gagnera
qui le fasse considérer [...]. Si les marchands considéraient tous les avantages que les richesses leur
donnent [...] bien loin de se plaindre de leur condition, ils la trouveraient la plus avantageuse et
préférable à toute autre. » (AN F12641).
8. id.
9. Mémoires adressés par le député de la fabrique à l'Intendant de Lyon avec demande d'accord
pour les envoyer au prévôt des marchands. 22  juillet  1755  in Règlement des manufactures  : « Le
marchand fabricant est un véritable manufacturier de même que l'ouvrier, la seule différence est
dans leurs fonctions. [...] » (AN F12 657). R. Mousnier, Histoire Générale des Civilisations, op cit,
Part  1, Liv II, ch III, p.  122-123  : « Le marchand appelé fabricant ou manufacturier, fournit la
matière première, laine, coton, chanvre, fer, l'outillage, les modèles. L'ouvrier fait le travail. Le
fabricant revient chercher l'objet fabriqué et le vend [...] C'est le stade de la manufacture, mot qui
désigne, non un grand établissement, mais l'ensemble des petits ateliers individuels qui travaillent
pour un marchand [...] »
10. Trévoux, op cit, t 4, p. 237a, v° marchand forain : « Il se dit particulièrement d'un marchand,
non seulement de celui qui est d'un autre royaume, mais de tout autre qui n'est pas du lieu où il vient
faire trafic. On le dit aussi d'un marchand qui ne fréquente que les foires, qui revend dans l'une les
marchandises qu'il a achetées dans l'autre [...] La plupart des marchands forains sont tenus d'apporter
leurs marchandises en un bureau, pour y être loties entre les maîtres du même métier. Les marchands
forains ne peuvent mettre leurs marchandises en magasins, chantier, grenier, caves ou celliers, à
l'exception des bois hottés à bruler, par les ordonnances de la ville. »
11. Couchot, op cit  ; Liv 1, ch V, p.  12 : « Les laboureurs, vignerons, fermiers ou métayers,
maîtres de forges & autres gens qui tiennent des ateliers, sont réputés marchands, parce qu'ils achètent
les choses qui sont nécessaires à leur négoce ou à leur profession & vendent celles qui en proviennent ;
il en est de même des messagers et des voituriers. »

978-2-275-08824-2__DOCFILE__4e_couverture.indd 73

16/12/2020 11:58:24
Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle
