Bibliothèque de droit privé - Tome 607 - La plus-value - 289

LA MONÉTARISATION DE LA PLUS-VALUE

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de titre. Au jour de la donation, le portefeuille vaut cinquante mille euros et au jour
du partage cent mille euros sans que la plus-value résulte du fait du gratifié. La plusvalue ayant été causée par l'environnement économique du bien, l'application du
droit positif conduit à ce qu'il en soit tenu compte lors du rapport. Imaginons
ensuite qu'après la liquidation de la succession, le marché boursier s'effondre au
point où le portefeuille de titre ne vaut plus que vingt mille euros ; la succession se
sera donc enrichie au détriment du donataire qui n'aura jamais véritablement bénéficié de la plus-value.
367. Harmonisation des régimes. En conditionnant la prise en compte de la
plus-value par les tiers à sa monétarisation, les incohérences évoquées à l'encontre
du traitement successoral de la plus-value peuvent être résolues.
S'agissant de l'évaluation du bien, le calcul sera certes plus compliqué qu'une
évaluation globale du bien au jour de la liquidation de la créance, mais cette difficulté ne sera pas insurmontable. En pratique, une solution consisterait à évaluer
le bien au jour de la libéralité pour ensuite indexer cette valeur sur un indice. Cette
proposition est loin d'être révolutionnaire148. Elle éviterait de dénaturer la dette de
valeur en permettant la prise en compte de la plus-value lors de l'évaluation alors
que la dette de valeur consistait initialement à combattre l'érosion monétaire149.
Du reste, il nous semble que les arguments traditionnellement invoqués au soutien de la dette de valeur militent aussi en faveur de l'indexation. Si l'évaluation
tardive est justifiée par la nécessité d'éviter les effets de la dépréciation monétaire
lorsque le créancier est contraint d'attendre le règlement de sa créance150, l'indexation permettra de parvenir à ce résultat sans inclure la plus-value dans la créance
de règlement. Toute la difficulté consistera à user d'un indice adéquat, lequel
pourrait être le coût global de la vie, le taux d'inflation ou encore l'indice INSEE
du coût de la construction151.
Il faudrait ensuite revenir sur la question de l'aliénation du bien par le gratifié suivie de l'acquisition d'un bien nouveau. Sous réserve de ne pas rapporter les
plus-values, celles qui bénéficient au bien acquis après l'aliénation seraient conservées par le gratifié.
S'agissant enfin des dates retenues pour le rapport et la réduction, une partie des auteurs considère que le maintien de deux dates différentes est justifié car
il serait « absurde » qu'une libéralité respectueuse de la quotité disponible soit
réduite au moment du partage « parce que les biens existants qui forment la part
des réservataires ont perdu de leur valeur entre ces deux dates »152. Or, ne serait-il
pas également critiquable de procéder à une réduction sur la base de plus-values
incertaines ? C'est pourquoi nous sommes d'avis de supprimer le décalage entre
les dates en prenant pour date unique la valeur des biens au jour du partage,
148. Savatier avait proposé cette solution à l'égard des créances entre époux : R. Savatier,
« Peut-on remédier, dans le contrat de mariage, à l'insécurité causée dans les rapports entre époux par
l'instabilité de la monnaie ? », Defrénois 1948, p. 169.
149. Supra, n° 178.
150. S. Becqué-Ickowicz, « La construction sur le terrain d'un époux séparé de biens financée
par des sommes indivises. Réflexions sur la dette de valeur », RTD civ. 2008. 589, n° 45.
151. Indices de l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ; P. Gallot,
E. Leprévost, C. Rougerie, « Prix des logements anciens et loyers entre 2000 et 2010 », INSEE
Première, n° 1350, mai 2011. Adde. V. pour l'indice le plus récent : V. pour l'indice le plus récent :
https://www.insee.fr/fr/statistiques.
152. P. Catala, La réforme des liquidations successorales, 3e éd., Defrénois, 1994, n° 67, p. 137.

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