Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 135 - L'abus de droit en droit international public - 151

L'ABUS DE DROIT, UNE NOTION DÉCLINÉE

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voisinage ait pu susciter quelques désaccords111, ceux-ci ont été entièrement dissipés.
Il ne fait désormais plus de doute que le « bon voisinage » n'est pas limité dans son
application par un critère de proximité géographique. En effet, le principe n'a pas
seulement vocation à être appliqué aux relations entre États voisins au sens strict -
c'est-à-dire, à ceux se trouvant dans une zone de contiguïté -, mais il s'étend au
contraire plus largement aux relations entretenues par les États -composant une
même zone géographique, voire, à l'ensemble des relations interétatiques à travers le
globe112. Cette conception plus vaste du voisinage résulte de l'idée selon laquelle les
possibilités d'entretenir des relations sont bien plus vastes et chaque État est susceptible d'être un « voisin » pour un autre, les moyens de communication s'étant développés et les échanges intensifiés. Cette position semble d'ailleurs être celle adoptée
par l'AGNU qui souligne, dans une résolution du 9 décembre 1991, que « les États,
qu'ils soient ou non limitrophes, doivent pratiquer le bon voisinage »113.
206.  Par ailleurs, outre sa portée géographique, il convenait également de
préciser l'étendue matérielle du principe. Sur ce point, les rapports de la souscommission semblent conférer au bon voisinage une portée assez large et affirment que le principe a lieu d'être appliqué dans n'importe quel domaine où les
compétences étatiques s'exercent, qu'il s'agisse du commerce, de l'industrie, de
science, d'environnement, de coopération judiciaire, etc.114. En effet, l'élargissement de la portée géographique de la notion de « bon voisinage » s'accompagne
d'un élargissement matériel, de telle sorte que le « bon voisinage » renvoie à l'existence de bonnes relations entre États de manière générale115. L'étude des traités
bilatéraux de « bon voisinage » témoigne également de la portée extrêmement
vaste de la notion : bien souvent, les États parties y proclament l'existence de liens
d'amitié entre eux, s'engagent à coopérer et réaffirment des règles de droit international bien établies telles que l'interdiction du recours à la force, le respect de la
souveraineté, le principe d'inviolabilité des frontières et d'intégrité territoriale,
etc. Ainsi entendu, le bon voisinage semble constituer une notion « diluée » et
dépourvue de contenu précis, à tel point que certains la définissent en affirmant
qu'elle se résume à l'observation des règles du droit international général116.
111. Invités par l'AGNU à communiquer leurs opinions à propos du bon voisinage (voir A/
RES/34/99), les États exprimèrent des avis très divergents : certains insistèrent sur une conception
géographique très limitée, tandis que d'autres recommandèrent une conception plus large en insistant
sur l'interdépendance de tous les États. Voir à cet égard : G. Juchs, op. cit., pp. 219-221.
112. E. Basheska, op. cit., pp. 27-28 ; P.-M. Dupuy, « La responsabilité internationale des États
pour les dommages causés par les pollutions transfrontières », in OCDE, Aspects juridiques de la
pollution transfrontière, Paris, OCDE, 1977, pp. 369-395, p. 376 ; I. Pop, Voisinage et bon voisinage (...),
op. cit., p. 277. Il convient ici de souligner que la définition du bon voisinage établie par le Dictionnaire
de droit international public restreint sensiblement l'application de ce principe et considère qu'il s'applique
« [aux] États appartenant à une même zone géographique, ou dont les activités s'interpénètrent dans un
même espace géographique » (J. Salmon, (dir.), Dictionnaire (...), op. cit., p. 136).
113. Résolution 46/62, Développement et renforcement du bon voisinage entre États, adoptée le
9 décembre 1991 (A/RES/46/62) (nous soulignons). Il existe d'ailleurs des traités de « bon voisinage » entre
des États qui ne sont pas voisins au sens strict du terme (I. Pop, Voisinage et bon voisinage (...), op. cit.,
p. 196).
114. E. Basheska, op. cit., p. 42.
115. I. Pop, Voisinage et bon voisinage (...), op. cit., p. 269. Entendu au sens strict, le voisinage
international ne désigne que ce qui a trait aux relations frontalières entre deux entités voisines :
utilisation des cours d'eaux frontière ou qui traversent plusieurs États, utilisation des routes de
frontière par les autorités nationales, circulation frontalière, droit de poursuite, etc.
116. I. Pop, Voisinage et bon voisinage (...), op. cit., p. 218 : « Si on considère la doctrine portant
sur le bon voisinage, on s'aperçoit qu'elle assimile d'abord cette notion au respect des règles du droit
international ».
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