Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 135 - L'abus de droit en droit international public - 357

LES FONCTIONS CORRECTRICES DE L'ABUS DE DROIT

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531. En tout état de cause, la sanction de l'irrecevabilité de la requête abusive ne semble pas constituer un obstacle absolu pour le requérant. Tout d'abord,
bien que la déclaration d'irrecevabilité ait pour effet d'écarter l'examen de la
requête au fond, elle ne le prive pas de son droit d'ester en justice et ce dernier
pourra très bien se représenter devant la juridiction pour lui soumettre d'autres
requêtes relatives à d'autres affaires. Cette solution semble justifiée, l'hypothèse
inverse étant bien trop attentatoire au droit d'ester en justice. La question se pose
néanmoins de savoir si l'irrecevabilité opposée par le juge présente ou non un
caractère péremptoire. En d'autres termes, le requérant dont la requête a été
déclarée abusive est-il empêché d'accéder au prétoire pour tenter de réintroduire
le même différend ultérieurement, mais de manière régulière ? Les juridictions
internationales n'ont, semble-t-il, jamais été confrontées à cette question en pratique. Leur volonté de ne réserver la qualification d'abus de droit qu'aux cas les
plus graves laisse cependant supposer que le constat de l'abus de procédure toucherait des requêtes particulièrement viciées, qui ne sauraient faire l'objet d'une
régularisation70. Il faut toutefois noter que certaines juridictions utilisent un système de « mise en garde » permettant au requérant de « rectifier le tir » pour éviter une déclaration d'irrecevabilité. C'est le cas notamment de la Cour EDH qui,
lorsque des propos offensants sont employés, admet la possibilité pour le plaideur
d'adresser ses excuses à la Cour et de présenter une nouvelle requête en retirant
les termes déplacés afin d'éviter qu'elle ne soit déclarée abusive71.
532. Enfin, il faut également souligner que le constat de l'irrecevabilité de la
requête est susceptible d'intervenir à différentes étapes de la procédure. Si l'argument de l'abus de procédure est invoqué au stade des exceptions préliminaires, il
peut engendrer le rejet de la requête alors qu'elle n'en est qu'à son stade premier. Il
arrive cependant que la question de l'abus de procédure soit jointe au fond et ne
puisse être tranchée prima facie. En outre, certaines juridictions admettent la possibilité de déclarer la requête abusive a posteriori, alors même que l'arrêt sur le fond
est déjà devenu définitif. C'est notamment le cas de la Cour EDH qui admet,
lorsqu'elle découvre que le requérant avait passé sous silence un fait pertinent pour
l'examen de la requête, de revenir sur son arrêt par voie de révision (prévue par
l'article 80 de son Règlement) et de rejeter la requête comme étant abusive au sens
de l'article 35 § 3 de la Convention72. Lorsque l'abus de procédure résulte directement du comportement du requérant ou des propos tenus par son avocat dans le
prétoire, la question d'une sanction intuitu personae mérite également d'être posée.
2. L'absence de sanction personnelle à l'égard des conseils et avocats
533. Dans la mesure où le comportement du requérant ou de son représentant dans le prétoire est susceptible de constituer un abus de procédure devant les
rôle dans une ordonnance de procédure sommaire », mais si l'incompétence est moins manifeste, alors
elle n'ordonnera la radiation du rôle qu'après un examen plus approfondi de la compétence dans un
arrêt (R. Kolb, La Cour internationale de Justice, Paris, Pedone, 2013, 1356 p., p. 198).
70. À cet égard, il convient de souligner que les motifs d'irrecevabilité d'une requête devant les
juridictions ne constituent pas toujours des obstacles péremptoires et peuvent parfois être surmontés.
Certains défauts de recevabilité peuvent ainsi être régularisés en cours d'instance afin de ne pas faire
obstacle à l'examen du différend au fond par le juge (M. Grange, Compétence du juge et recevabilité de
la requête : leurs relations dans l'exercice du pouvoir juridictionnel - L'exemple de la Cour internationale de
Justice, Thèse de doctorat, Droit, Université de Paris 2 Panthéon-Assas, 2011, 729 p., pp. 212-213).
71. Voir supra § 414.
72. Cour EDH, Gardean et S.C. Grup 95 SA c. Roumanie, 30 avril 2013, req. n° 25787/04,
§§ 12-22 ; Cour EDH, Vidu et autres c. Roumanie, 17 janvier 2017, req. n° 9835/02, §§ 19-30.

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