Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 135 - L'abus de droit en droit international public - 363

LES FONCTIONS CORRECTRICES DE L'ABUS DE DROIT

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b)	 La mise en application du principe « costs follow the event »
dans le contentieux de l'investissement
544.  Contrairement aux juridictions interétatiques permanentes, il est assez
fréquent que des juridictions arbitrales condamnent la partie qui succombe au
paiement de tout ou partie des frais engendrés par l'arbitrage95. Cette pratique est
bien établie dans le contentieux de l'investissement où le principe « costs follow
the event » (autrement appelé « loser pays ») est fréquemment appliqué, entraînant le paiement de tout ou partie des frais de l'arbitrage par la partie perdante.
Cette règle ne bénéficie cependant pas d'une application systématique ; en pratique, le régime des coûts représentés par l'arbitrage est établi par les règles qui
encadrent l'institution arbitrale choisie par les parties96. Il faut d'ailleurs souligner que la règle selon laquelle la partie perdante supporte les frais de l'arbitrage
n'a pas toujours été appliquée et qu'à l'origine, le principe était celui d'une répartition équitable des coûts, en particulier dans l'arbitrage CIRDI97. La pratique
initiale a évolué et désormais, la tendance est à la prise en compte du résultat final
de l'arbitrage, mais aussi du comportement des parties au cours de la procédure98.
Ainsi, si la bonne foi de la partie perdante ne l'exonère pas du paiement des coûts
engendrés par la procédure arbitrale, sa mauvaise foi risque d'être sanctionnée
par une condamnation au paiement de tout ou partie de ces frais99.
95. L'expression « frais de procédure » appelle ici des précisions terminologiques. Dans le
contentieux interétatique, cette formule désigne uniquement les frais de représentation supportés par
chaque État, car l'organe de jugement est préconstitué et les frais d'administration ou de
fonctionnement de la juridiction sont pris en charge par l'ensemble des États Parties. En matière
d'arbitrage cependant, il faut distinguer : les « frais de procédure » en tant que tels (autrement appelés
« dépens »), qui sont les dépenses liées à l'administration de la justice (rémunération des arbitres,
greffe, secrétariat, etc) ; et les « frais de représentation » encourus par chaque partie pour la
représentation de ses intérêts. Ces expressions sont parfois confondues comme en témoigne l'article 28
§ 2 du Règlement CIRDI  qui assimile les frais de représentation à des « frais de procédure » (Voir
C. Santulli, Droit du contentieux international, Paris, LGDJ, 2e éd., 2015, 626 p., p. 498). Afin d'éviter
toute ambiguïté, l'expression « frais de l'arbitrage » (ou « frais engendrés par l'arbitrage ») sera ici
employée pour désigner à la fois les frais de procédure et les frais liés à la représentation des parties.
96. Il existe deux modèles de répartition des frais dans l'arbitrage d'investissement : Certaines
institutions arbitrales appliquent le principe selon lequel la partie perdante supporte les coûts de la
procédure, mais le tribunal peut conserver un certain pouvoir d'appréciation sur la répartition des
frais en tenant compte des circonstances de l'affaire. C'est notamment ce que prévoit l'article 42 du
Règlement CNUDCI). Dans cette hypothèse, les arbitres tiennent comptent de divers éléments tels
que la complexité de l'affaire, mais aussi la bonne foi ou le comportement malveillant des parties.
Selon le second modèle, la répartition des coûts est laissée à la discrétion des parties, et à défaut, elle
sera fixée par le tribunal arbitral institué (c'est, par exemple, ce que prévoit l'article  61  § 2 de la
Convention CIRDI). Voir en ce sens : E. Stoppioni, La réparation dans le contentieux international de
l'investissement - Contribution à l'étude de la restitutio in integrum, Paris, Pedone, 2014, 147  p.,
pp. 112-113.
97. D.  Khayat, « 
Centre international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements », RQDI, 2007, pp. 309-426, p. 383. L'auteur soulignait toutefois que « les exceptions
à ce principe interviennent bien entendu lorsque le tribunal se trouve face à des demandes dénuées de
tout fondement, ou clairement abusives [...] ».
98. F. Latty, P. Jacob, « Arbitrage transnational et droit international général », AFDI, 2011,
pp.  533-595, p.  592. Voir par exemple l'affaire CIRDI, Burlington Resources Inc c. Équateur,
n° ARB/08/5, 7 février 2017, § 620. Examinant la question de la répartition des frais de procédure, le
tribunal affirme en ces termes : « This analysis should start by considering whether a party has prevailed
on its claims, and if it has prevailed only in part, whether the rejected claims were reasonable or frivolous.
It should also take into account the procedural conduct of the parties, and in particular whether such
conduct delayed the proceedings or increased costs unnecessarily ».
99. E. Stoppioni, op. cit., p. 112.
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