Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 135 - L'abus de droit en droit international public - 97

LE PRINCIPE D'INTERDICTION DE L'ABUS DE DROIT

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120.  Ces variations terminologiques se retrouvent également dans la jurisprudence. En effet, pour la CIJ, l'utilisation du terme « principe » est rarement
accompagnée d'une quelconque référence à l'article 38 de son Statut et la Cour
utilise une terminologie variée, sans que l'on sache véritablement à quelle catégorie juridique les principes qu'elle mentionne se rattachent. Les expressions « principes généraux de droit »64, « principes du droit international »65, « principes
reconnus par les nations civilisées »66, « principes du droit international coutumier »67, « principe fondamental »68 ou « principe universellement admis »69
semblent être employées de manière indifférenciée. La Cour ne dresse donc
aucune différence entre les principes généraux de droit et les principes du droit
international et en dépit d'un vocabulaire variable, elle se refuse à établir des catégories juridiques clairement distinctes70.
121.  Outre la confusion terminologique71, ces catégories connaissent également des similitudes d'un point de vue substantiel et peuvent parfois s'enchevêtrer. En effet, tout comme certaines normes disposent d'un double ancrage,
conventionnel et coutumier, certains principes sont à la fois présents dans les
ordres juridiques internes et dans l'ordre juridique international, sans relever
comme des principes qui « auraient un caractère universel, en tant que manifestation directe de l'idée
du droit » (P. Guggenheim, « Contribution à l'histoire des sources du droit des gens », RCADI, 1958,
vol. 94, pp. 1-84, pp. 78-79).
64. CIJ, Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d'Amérique), Arrêt du
31 mars 2004, Rec. 2004, p. 61 ; CIJ, Droit de passage sur le territoire indien (Portugal c. Inde), Arrêt
du 12 avril 1960, Rec. 1960, p. 23.
65. CPJI, Lotus, Arrêt du 7 septembre 1927, Série A, n° 10, p. 4.
66. CIJ, Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
Avis consultatif du 28 mai 1951, Rec. 1951, p. 23.
67. CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (fond) (Nicaragua c.
États‑Unis d'Amérique), Arrêt du 27 juin 1986, Rec. 1986, p. 105 ; CIJ, Activités armées sur le territoire
du Congo (RDC c. Ouganda), Arrêt du 19 décembre 2005, Rec. 2005, p. 251.
68. CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (fond) (Nicaragua c.
États‑Unis d'Amérique), Arrêt du 27 juin 1986, Rec. 1986, p. 100 ; CIJ, Applicabilité de l'obligation
d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des
Nations Unies, Avis consultatif du 26 avril 1988, Rec. 1988, p. 34.
69. CPJI, Compagnie d'électricité de Sofia et de Bulgarie, Ordonnance du 5 décembre 1939, Série
A/B, n° 79, p. 199.
70. À cet égard, voir les propos du juge Fernandes, qui affirmait à l'égard des principes
mentionnés à l'article 38 du Statut de la CIJ : « Quelle que soit la position doctrinale qu'on prenne à
l'égard de ces principes, qu'on les considère comme des émanations du droit naturel, ou comme des
règles coutumières, ou comme des principes constitutionnels de la communauté juridique
internationale, ou comme des principes consentis par les États du fait même qu'ils sont membres d'une
communauté juridique, quelle que soit, dis-je, la position de chacun à l'égard de l'origine et du
fondement de ces principes, tout le monde est d'accord pour accepter leur existence et leur application
comme source de droit positif » (CIJ, Droit de passage sur le territoire indien (Inde c. Portugal), Arrêt
du 12 avril 1960, Rec. 1960, Opinion dissidente du juge Fernandes, pp. 136-137). Des confusions sont
également décelées dans la jurisprudence des autres juridictions internationales. Pour exemple, l'arrêt
Mamatkulov et Askarov c. Turquie témoigne d'une utilisation indifférenciée des expressions « principes
généraux de droit » et « principes du droit international » (Cour EDH, Arrêt Mamatkulov et Askarov
c. Turquie, 4 février 2005, req. n° 46827/99 et 46951/99).
71. La confusion semble d'autant plus forte en langue anglaise, où la formule « general
principles » est fréquemment employée sans que l'on sache vraiment s'il est question des principes
généraux de droit reconnus par les nations civilisées ou des principes du droit international. L'idée
selon laquelle « la doctrine anglo-saxonne connaît les premiers comme general principles of
international law, les seconds comme general principles of law » n'est pas toujours vérifiée en pratique
(G. Abline, Sur un nouveau principe général du droit international : l'uti possidetis, Thèse de doctorat,
Droit, Université d'Angers, 2006, 639 p., p. 158).
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