Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 24 - Le conflit né de la chronologie des opérations de liquidation des actifs isolés - 64

48 LE CONFLIT NÉ DE LA CHRONOLOGIE DES OPÉRATIONS DE LIQUIDATION DES ACTIFS ISOLÉS
52. situation des titulaires de sûretés spéciales. Cela est particulièrement vrai
pour les titulaires de sûretés spéciales dépourvues de prérogative d'exclusivité113
qui sont toujours primés en liquidation judiciaire, a minima, par le superprivilège
des salariés, le privilège des frais de justice postérieurs utiles et le privilège de la
conciliation114
. Ainsi, sauf à ce que l'entreprise n'emploie aucun salarié, que les
frais de justice postérieurs utiles soient limités et qu'aucune conciliation n'ait précédé
l'ouverture de la liquidation judiciaire, il existe une forte probabilité pour
que le créancier qui a initié les opérations de réalisation ne vienne pas en rang utile
sur le produit de réalisation du bien grevé par sa sûreté. En outre, en raison du
conflit chronologique, ces créanciers n'auront guère intérêt à accélérer la réalisation
du bien grevé par leur sûreté. Très souvent, leur intérêt sera même exactement
contraire car, plus le bien grevé sera réalisé tardivement, plus les chances que les
titulaires de privilèges généraux aient été désintéressés sur d'autres masses de
fonds seront grandes.
53. situation du Trésor public. Le Trésor public ne retrouve-t-il également,
en application de l'article L. 643-2 al. 1er
du Code de commerce, qu'un droit d'action
ut singuli en cas d'inertie du liquidateur judiciaire ? La question mérite
d'abord d'être posée en raison du « terme de poursuite individuelle qui est très
général et, dans le cas du Trésor, peut viser l'avis à tiers détenteur, ce qui exclut par
hypothèse tout profit collectif »115
, compte tenu de l'effet attributif immédiat de
cette mesure d'exécution forcée. Elle le mérite, également, au regard de l'enjeu
d'intérêt général attaché au recouvrement des créances fiscales, enjeu qui a longtemps
justifié qu'une « bienveillance systématique »116
public par le droit de la faillite pour le recouvrement de ses créances117
arguments de droit et d'opportunité militent, cependant, en faveur d'un cantonnement
du droit de poursuite individuelle du Trésor public à une mise en mouvement
ut singuli. En premier lieu, l'article L. 643-2 al. 1er
du Code de commerce ne
fait aucune distinction entre la situation du Trésor et celle des titulaires de sûretés
spéciales visés par le texte118
. En deuxième lieu, la disposition a pour finalité de
113. Il s'agit des sûretés spéciales non assorties du droit de rétention ou de la faculté d'attribution
judiciaire en propriété.
114. C. com., art. L. 641-13 II. Dans le classement mobilier, ils seront également primés, sauf
exception, par le privilège des créances postérieures utiles et, pour la plupart, par les privilèges fiscaux
de premier rang.
115. H. LECUYER & alii, art. préc.
116. M. COZIAN, « Le privilège du Trésor », Extrait du Juris-classeur commercial, Librairies
techniques,1970, n° 5, p. 3.
117. Ainsi, avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1967, le Trésor public ne faisait pas
partie de la masse des créanciers, contrairement aux autres créanciers titulaires d'un privilège général.
D'origine prétorienne (Req. 19 mars 1901 ; DP 1901, I, 409, note J. PERCEROU), l'exception a été
consacrée par le décret-loi du 17 juin 1938 pour les contributions directes (art. 1er
) et par la loi du
9 décembre 1948 pour les contributions indirectes et les droits d'enregistrement (art. 262). Cette
exclusion de la masse des créanciers emportait notamment comme conséquence que le Trésor
conservait son droit de poursuite individuelle, nonobstant l'ouverture de la procédure collective. Il
pouvait donc en théorie poursuivre librement le recouvrement de ses créances privilégiées. En pratique,
ce droit de poursuite était rarement exercé, l'administration recommandant à ses agents de faire
preuve de modération dans sa mise en œuvre. Lorsqu'il était exercé, la jurisprudence imposait au
Trésor le respect des privilèges de rang préférable au sien et notamment le privilège des créanciers de
la masse (Cass. com., 16 mars 1965, n° 62-11.724 ; Cass. com., 4 fév. 1969, n° 65-11.647), jugeant que
« le droit de poursuite individuelle de l'administration ne modifi[ait] pas la portée de son privilège »
(Cass. com., 4 fév. 1969, n° 65-11.647). Sur l'ensemble de ces questions, v. M. COZIAN, art. préc.
118. Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus.
soit témoignée au Trésor
. Plusieurs

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