Bibliothèque de droit public - Tome 322 - La théorie de l'accessoire en droit administratif - 145

L'APPARTENANCE À UNE MêME CATÉGORIE D' OBJETS JURIDIQUES
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public - qu'elle ne considère plus comme constituant une utilisation privative de
ce domaine -, ne figure plus cette référence à la compatibilité de l'activité de prise
de vue avec l'affectation du bien considéré166
. Notons néanmoins que cette décision
ne concerne pas spécifiquement la question des biens meubles, mais l'ensemble
des biens du domaine public, meubles ou immeubles.
173. Dans le sens, toujours, d'une absence de prise en compte de l'affectation
des meubles pour déterminer leur domanialité, on peut évoquer ici un arrêt
récent de 2018 Société IOE Ltd, dans lequel la Cour administrative d'appel de
Bordeaux a considéré qu'un navire appartenant aux TAAF (Terres australes et
antarctiques françaises), « en dépit de l'appui logistique qu'il apportait aux programmes
de recherche scientifique des territoires, [devait] être regardé comme
appartenant au domaine privé de cette collectivité, à défaut de présenter en lui-même
un intérêt patrimonial. »167
Certes, le bateau en cause, élégamment nommée La
Curieuse, avait été acquis par les TAAF en 1989. Les dispositions du Code ne lui
étaient en conséquence pas applicables. En se référant au seul critère de l'intérêt
patrimonial, la Cour a donc, d'une certaine manière, fait implicitement une application
rétroactive desdites dispositions ; ce qui juridiquement peut être contestable168
.
Le rapporteur public plaidait d'ailleurs pour une solution inverse en
invoquant notamment le fait que ce navire, « compte tenu de ses spécificités techniques
qui lui font corps, [est] un bien meuble qui n'est pas aisément interchangeable
» ; on retrouve là le critère de la « difficile remplaçabilité » proposé par
Gilles Bachelier. On peut néanmoins considérer que si, selon la Cour, ce critère
n'était déjà pas valable avant l'entrée en vigueur du Code, il doit, en toute logique,
l'être d'autant moins aujourd'hui. Pour la Cour administrative d'appel de Bordeaux
ainsi, il est clair que seul l'intérêt patrimonial, et en aucun cas l'affectation,
peut justifier l'incorporation d'un meuble au domaine public169
.
174. Cette conviction est renforcée par la structure même du Code. Le titre
consacré à « La consistance du domaine public » comprend deux chapitres : un
premier consacré précisément au « Domaine public immobilier », au sein duquel
166. CE, Ass., 13 avril 2018, Établissement public du domaine national de Chambord c/ Sté
Les
Brasseries Kronenbourg, n° 397047 : Rec. p. 119, concl. Romain Victor ; D. 2018, p. 1051, note JeanMichel
Bruguière ; RFDA 2018, p. 461, note Norbert Foulquier ; JCP A 2018, 614, note Philippe
S. Hansen ; ibid., 2156, note Christophe Roux ; Dr. adm. 2018, comm. 42, note François Brenet ;
AJDA 2018, p. 1850, note Fanny Tarlet. - Le Conseil d'État a en effet jugé à cette occasion que « les
personnes publiques ne disposant pas d'un droit exclusif sur l'image des biens leur appartenant [...],
l'image d'un bien du domaine public ne saurait [en conséquence] constituer une dépendance de ce
domaine ni par elle-même, ni en qualité d'accessoire indissociable ». - Notons au passage que la
question de l'éventuelle accessoriété de l'image est ici évacuée par la question de la propriété. Dès lors
que les personnes publiques ne sont pas propriétaires de l'image de leurs biens, alors on ne saurait
appliquer à cette dernière l'article L. 2111-2 du CGPPP.
167. CAA Bordeaux, 24 mai 2018, Sté
IOE Ltd, n° 15BX00402 : JCP A 2018. 2224, note Caroline
Chamard-Heim ; AJDA 2018, p. 1540, note Nicolas normand.
168. Contra : Caroline Chamard-Heim estime au contraire dans sa note que le juge d'appel
bordelais a ici retenu une définition, certes restrictive du domaine public mobilier, mais néanmoins
fidèle à la jurisprudence du Conseil d'État ante CGPPP. - Tout dépend en réalité ici de savoir si l'on
considère que la doctrine développée par Gilles Bachelier en 2004 (voir supra : n° 170 et s.) reflétait ou
non l'état de la jurisprudence du Conseil d'État.
169. En ce sens, cf. notamment Philippe Yolka, « Autour de l'article L. 2112-1 du CGPPP
- Un détour par les " meubles de retour " », AJDA 2013, p. 974 : « une jurisprudence qui considérerait
comme dépendances du domaine public des meubles nécessaires au fonctionnement d'un service public à
gestion déléguée dépourvus d'intérêt public historique, artistique, archéologique, scientifique ou technique
(c'est-à-dire, l'immense majorité des meubles) serait - selon toute vraisemblance - contra legem ».
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