Précis Domat - Philosophie du droit - 2e - 137

SYNTHÈSES
178 Arts libéraux. - Le programme des « arts libéraux » correspond à une division
classique dès l'Antiquité et reprise notamment par saint Augustin ou Boèce. Il
s'agit d'un progrès sur le chemin de la vérité, d'une propédeutique menant à la
philosophie ou encore d'une contemplation désintéressée. Les arts libéraux se subdivisent
eux-mêmes en trivium et quadrivium.Le trivium permet d'étudier les Lettres
ou, dans un sens plus actuel, les règles du langage, par trois voies complémentaires.
La grammaire étudie la langue, mais aussi les grands auteurs. La dialectique
est l'art de raisonner, de former des syllogismes. La rhétorique est l'art de persuader,
de convaincre ou d'émouvoir un auditoire, toutes choses extrêmement utiles
pour les juristes. Le quadrivium, qui n'intervient qu'après l'étape précédente, permet
d'étudier les Sciences, par quatre voies complémentaires. La musique est l'art
de combiner des sons d'après des règles : les règles de la mesure, de l'harmonie, du
rythme. L'arithmétique est l'étude du nombre. La géométrie est la contemplation
des formes pures. Enfin, l'astronomie est la contemplation du cosmos. Avec ces
sept matières composant le trivium puis le quadrivium,il s'agit de faire monter
les élèves jusqu'aux étoiles, mais par des sentiers ardus : per aspera ad astra,
énonce la locution latine. Ce n'est qu'ensuite que la philosophie peut être étudiée,
permettant à l'élève de quitter les choses terrestres pour atteindre les réalités immatérielles
: per corporalia ad incorporalia. Il lui est alors possible d'emprunter la
voie de la théologie qui constitue le sommet. Cette méthode d'enseignement a
bien sûr été décriée ultérieurement. Pourtant, elle laisse entrevoir un système qui
fait confiance à la raison humaine, dès lors que les sciences ou la philosophie doivent
être étudiées avant la théologie. Mais, dès le XII
e siècle, Hugues de Saint-Victor,
Jean de Salisbury ou Thierry de Chartres commencent à s'affranchir de cette
méthode qui, selon eux, n'est qu'un moyen permettant d'atteindre une fin. Il faut
comprendre qu'à cette époque, les Universités s'acharnent à acquérir un héritage du
passé qu'elles devinent très riche, ce qui provoque un foisonnement de voyages
d'études destinés à récolter de nouvelles sources antiques. Les Universités de Cordoue
et de Tolède, pourtant musulmanes, attirent de nombreux chercheurs qui traduisent
les œuvres d'Avicenne, de Ghazali, d'Averroès ou de Maïmonide, permettant
de retrouver des classiques de la philosophie grecque en partie oubliés, au
premier rang desquels se trouve Aristote.
179 Méthode d'enseignement. - Dans les premiers temps, le maître se contente
d'une lectio lui permettant de commenter des écrits plus anciens. Puis, la declinatio
(plus tard appelée la quæstio) comprend une explication grammaticale (littera), une
explication de la pensée (sensus) et une explication du contenu doctrinal (sententia).
Plus tardivement, apparaît la disputatio qui procède par objections et réponses.
Aussi appelée controverse, la disputatio reste, sans aucun doute, le trait marquant
de la scolastique, souvent complétée par le quodlibet, sorte de discussion libre sur
toutes sortes de sujets. Il est d'ailleurs intéressant de noter que la disputatio n'intervient
pas tellement dans le domaine des arts libéraux proprement dits, mais plutôt
en philosophie et même en théologie. Sans aller jusqu'aux fameuses « disputes »
théologiques qui agitent Byzance jusqu'à ses dernières heures et où l'on en vient
souvent aux mains..., les élèves des écoles et surtout des Universités occidentales
bénéficient d'une grande liberté de discussion. Comme de nos jours, les étudiants
cosmopolites du XIII
e siècle sont enthousiastes, généreux, pleins d'humour ou
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