Précis Domat - Philosophie du droit - 2e - 187

RENAISSANCE
durant lesquels il décide de combattre pour l'honneur comme un hidalgo, il est
blessé aux jambes. Un médecin français le soigne tant bien que mal, puis Ignace
est reconduit au château paternel, où il entame une longue convalescence. Par
désœuvrement, il lit beaucoup et ayant épuisé toute la bibliothèque, il décide de
lire les livres religieux - poussiéreux - qui s'y trouvent. C'est alors qu'il se sent
appelé par Dieu et décide de partir en direction de Jérusalem, malgré ses blessures
mal soignées. Sur son chemin, il s'arrête à Montserrat et, dans ce monastère bénédictin
de Catalogne, il abandonne sa tenue militaire et son honneur et décide de
vivre dans une grotte, pour y mener une vie d'ermite. Après quelque temps de
rude purification, il comprend que Dieu l'appelle à autre chose. C'est à cette
même époque qu'il écrit les Exercices spirituels, relatant l'expérience personnelle
d'un soldat devenu ermite : il y prône le combat spirituel, une théologie de la grâce
et un optimisme lucide et constructif très éloigné de la Prédestination. S'il connaît
sans doute le courant protestant de la lointaine Allemagne, ses écrits ne sont pas
destinés à réfuter une doctrine opposée à la sienne : c'est une œuvre personnelle
qui vise à réformer en profondeur sa propre âme. Ignace reprend ensuite sa route
vers Jérusalem en 1523 et, après trois semaines de pèlerinage, il rentre en Europe
où il comprend la nécessité d'étudier. À Barcelone, il se met courageusement à
apprendre la grammaire, puis, dans les Universités d'Alcala et de Salamanque, la
philosophie et la théologie. Dans ces deux dernières étapes, il est parfois accusé
d'hérésie et même interrogé par l'Inquisition, ce qui le décide à quitter l'Espagne
pour rejoindre Paris en 1528, où il poursuit ses études durant sept années. À cette
époque, la capitale française est en pleine effervescence puisque s'affrontent l'humanisme
et la scolastique, les livres de Luther et la Sorbonne. Pour Ignace de
Loyola, ce sont plutôt la pauvreté, la maladie, les œuvres charitables et les études
approfondies qui retiennent son attention. Même si son intelligence est solide, elle
n'a pas la fulgurance de celle de Calvin ; il lui faut de longues heures d'étude et des
recherches patientes, calmes et sereines pour se forger une opinion mesurée et prudente.
Grâce au rayonnement de sa personnalité, il acquiert un ascendant sur les
autres, qu'il conduit à la découverte d'eux-mêmes et de Dieu, en leur faisant lire
ses Exercices spirituels.Etc'est ainsi que le 15 août 1534, six étudiants accompagnent
Ignace vers le Mont des Martyrs (Montmartre) pour y prononcer leur vœu.
C'est le point de départ de la Compagnie de Jésus ou Societas Jesu (s.j.) - dont les
membres sont vite surnommés les Jésuites -, laquelle est reconnue en 1540 par le
pape Paul III, avec pour mission de servir le pape pour la plus grande gloire de
Dieu, ad majorem Dei gloriam. Dans la rédaction des Constitutions de la Compagnie,
Ignace démontre toute sa capacité d'organisation, même si on a pu moquer le
célèbre perinde ac cadaver,l'obéissance au supérieur comme un cadavre, qui est
une sorte d'opposition radicale à l'individualisme de la Renaissance. Cela n'ôte
d'ailleurs pas la liberté et le sens des responsabilités des Jésuites. Malgré les difficultés,
les critiques et les jalousies, le développement de la Compagnie est rapide,
multipliant les collèges et se propageant de la Chine à l'Amérique et de l'Europe
jusqu'à la cour du Négus. Lorsqu'Ignace de Loyola meurt à Rome en 1556, la
Compagnie compte déjà un millier de membres ; ils sont 22 000 deux cents ans
plus tard. Fidèles à Aristote, Cicéron et Thomas d'Aquin, les Jésuites forment des
générations de disciples, parmi lesquels Francisco Suarez ou René Descartes. Puis,
187

Précis Domat - Philosophie du droit - 2e

Table des matières de la publication Précis Domat - Philosophie du droit - 2e