Précis Domat - Philosophie du droit - 2e - 217

MODERNITÉ
une réflexion spirituelle sur l'homme, sur ses aspirations surnaturelles, sur son
besoin de rédemption.
D'un point de vue juridique, on pourrait déceler chez Pascal une interprétation
subjectiviste, dès lors qu'il place l'homme à un niveau prépondérant car il est le
seul être sur cette terre doté de la rationalité. Pourtant, un peu comme chez Descartes,
les réflexions juridiques de Pascal sont assez décevantes et sans doute assez
peu personnelles. L'homme demeure sous le joug de la loi à laquelle il lui faut
obéir, non parce qu'elle est juste, mais parce qu'elle vient du supérieur. Il a certainement
échangé avec son ami Jean Domat sur ces questions.
B. MALEBRANCHE
309 Tentative de christianisation de Descartes. - Malebranche (1638-1715) est
considéré par nombre de ses contemporains comme l'un des plus grands penseurs
chrétiens de son temps. Oratorien depuis 1660, il se consacre à l'étude et aux méditations
solitaires. Il étudie à la Sorbonne où l'on enseigne encore la scolastique
déclinante avec des discussions de plus en plus subtiles et souvent sans intérêt. Il
est donc vite conquis par le cartésianisme ; et les nombreux traités de Malebranche
n'ont d'autre ambition que de christianiser cette nouvelle philosophie, comme
d'autres l'avaient fait pour Platon et Aristote. Pour lui, tout contemplatif qu'il
soit, la raison est un droit aussi naturel que celui de respirer. Son ambition est d'élever
un système apologétique accordant la raison cartésienne et la foi : Dieu est l'auteur
de tout, du monde créé comme de la raison humaine, laquelle est le reflet du
Verbe divin. La raison doit donc pouvoir expliquer ce qui paraît incompréhensible,
qu'il s'agisse des miracles ou du surnaturel. Incontestablement, cet effort est méritoire,
mais Malebranche penche ainsi vers le rationalisme, ce qui explique l'intérêt
de Voltaire pour ce philosophe.
310 Idées claires. - En raison de sa fidélité à saint Augustin, Malebranche critique
chez Descartes l'innéisme des idées claires et leur rapport avec Dieu, source de leur
vérité. Cela ne l'empêche pas d'admettre le concept d'idée claire, en retenant d'ailleurs
que l'idée claire suprême est l'infini. Mais tout son effort est d'éviter de tomber
dans le panthéisme.
Avec l'idée claire d'infini, Malebranche tire la conclusion que Dieu existe : il
s'agit d'ailleurs plus d'une intuition que d'une preuve, qui rejoint l'argument ontologique
qui a déjà été évoqué. Malebranche en vient à considérer que nous contemplons
l'objet de toutes nos idées intellectuelles en Dieu seul, ce qu'il appelle la
vision en Dieu.
311 Occasionalisme. - Évidemment, le principe de l'idée claire exige que le monde
soit créé et dirigé par l'unique causalité divine. Mais la réalité du monde corporel
est-elle une certitude ? S'il admet l'existence de ce monde corporel, c'est davantage
en s'appuyant sur des arguments théologiques, tels que l'Incarnation ou la
Rédemption qui exigent un monde réel. Et si ce monde existe, c'est seulement
parce qu'il est créé et conservé par Dieu : aucun corps ne peut agir sans l'aide
divine. Dieu est l'unique cause efficiente efficace, alors que les créatures ne sont
qu'une occasion permettant à Dieu de manifester son activité selon les lois de sa
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