Précis Domat - Philosophie du droit - 2e - 304

PHILOSOPHIE DU DROIT
Pour Descartes la première évidence est le moi pensant. Husserl, quant à lui, considère
que ces philosophes s'appuient sur des présupposés qui ne sont que des
croyances naïves, lesquelles doivent elles aussi être mises entre parenthèses.
486 Évidence apodictique. - Que reste-t-il finalement pour Husserl ? Il ne reste que
la pensée, sans même le « moi » de Descartes. On peut d'ailleurs se demander pourquoi
la pensée n'est pas mise entre parenthèses comme le reste. Mais, sans elle, il
ne resterait finalement plus de point de départ permettant au philosophe de philosopher.
À partir de là, Husserl veut découvrir ce qu'il appelle une évidence apodictique,c'est-à-dire
ayant un caractère d'universalité et de nécessité absolue, découlant
donc d'une vérité scientifique absolue. Seules les essences trouvent grâce à ses
yeux : c'est ce qui fait que les choses soient ce qu'elles sont nécessairement et éternellement.
Quant à l'évidence, elle est définie comme la présence effective de la
vérité dans la conscience, ou l'être lui-même comme donné à la conscience.
487 Corps et intersubjectivité. - Est-ce que cette conscience reste repliée sur ellemême
? Qu'en est-il des autres êtres pensants ? Pour cela, il faut admettre l'existence
d'un monde distinct de soi-même. Husserl y parvient en faisant appel au
corps. Le corps implique un lieu et un temps que chaque conscience doit posséder,
si bien que le lieu et le temps jouent le rôle d'un principe d'individuation. Pour
autant, est-ce que ces autres « moi » ne deviennent pas des objets ? Pour Husserl,
si l'on admet d'autres sujets pensants, chacun doit prendre conscience des autres
« moi » car ils ont nécessairement des expériences identiques. Il y a donc un
monde des corps qui est exigé par cette intersubjectivité. Cela signifie que l'on se
retrouve en présence d'un monde corporel et, en tant qu'il y a une intersubjectivité,
on se trouve en présence d'une société. Il est regrettable qu'Husserl s'en soit arrêté
là sans avoir poursuivi ses réflexions dans le domaine du droit. Mais il ne le fait pas
plus dans d'autres disciplines, laissant le soin à ses disciples de concrétiser ses
théories. Il est ainsi intéressant de citer Édith Stein (1891-1942), disciple de Husserl,
première femme à soutenir une thèse de philosophie en Allemagne, dont la
philosophie porte essentiellement sur l'empathie,c'est-à-dire sur l'intersubjectivité.
L'empathie permet de saisir ce que l'autre vit en lui-même, elle aide les hommes à
s'enrichir et à mieux se connaître au contact des autres, chacun étant doté d'une
dignité. Il y a donc une ébauche de réflexion sur la société et, par-delà la justice,
sur la charité. En 1921, après une évolution intellectuelle, elle se convertit au catholicisme.
Elle poursuit son parcours intellectuel en prononçant de nombreuses conférences,
et en insistant en particulier sur l'égalité entre les hommes et les femmes.
Mais, avec l'avènement du Troisième Reich, elle est interdite d'enseignement en
tant que juive. Alors, comme elle le souhaitait depuis de nombreuses années, elle
devient carmélite sous le nom de sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Après une
admonestation des évêques catholiques contre l'antisémitisme, les juifs convertis
au catholicisme sont arrêtés. Elle est déportée à Auschwitz où elle meurt. Elle est
canonisée par l'Église catholique en 1998.
Ces notions d'intersubjectivité et d'empathie peuvent permettre de redonner un
sens à la société. Elles peuvent aussi encourager à mener des recherches supplémentaires
dans le domaine de la philosophie du droit.
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