Précis Domat - Philosophie du droit - 2e - 84

PHILOSOPHIE DU DROIT
actuellement lorsqu'il est fait référence aux « Justes d'Israël » qui ont cherché à
sauver des juifs pendant la période nazie. En outre, Jésus prend ses aises avec certaines
des prescriptions légales les plus sacrées telles que le respect du Sabbat, en
déclarant qu'il en est le maître : on lui reproche même de guérir des malades un
jour de Sabbat.
Est-ce pour autant une abolition pure et simple de ce qui est indiqué dans la Loi
juive ? À cela, Jésus répond qu'il n'est pas venu abolir la Loi, mais l'accomplir, en
recherchant davantage l'esprit de cette Loi que sa lettre.
107 Scepticisme. - Dans une étape ultérieure, lorsqu'il déclare qu'il est le Fils de
Dieu et le Messie attendu descendant de David, la réaction des foules est plus sceptique,
tandis que les scribes et les pharisiens deviennent plus hostiles. Même les
douze apôtres qu'il a choisis sont assaillis par le doute dans un premier temps.
Les docteurs de la Loi n'admettent pas que le Messie qu'ils attendent soit un
homme comme lui et non un triomphateur venant rétablir la royauté en Israël et
venger les souffrances endurées. Tous cependant ne voient pas en lui un coupable.
Nicodème, par exemple, juif membre du Sanhédrin, prononce une parole qui montre
un grand sens de la justice et des règles procédurales élémentaires : « Notre loi
condamne-t-elle un homme sans qu'on l'ait d'abord entendu et sans qu'on sache ce
qu'il a fait ? » (Jean 7, 51).
108 Spirituel et temporel. - Parmi les nombreux dialogues que l'on trouve dans les
Évangiles, deux peuvent être mentionnés car les réponses de Jésus ont une incidence
fondamentale d'un point de vue juridique et politique. Certains, par ruse,
lui demandent s'il est permis de payer le tribut à César. Avant de répondre, Jésus
demande qu'on lui montre une pièce sur laquelle se trouve l'effigie de l'empereur.
Puis il dit : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Lc 20,
25). Cette formule est essentielle car elle contient en germe la distinction de
l'Église et de l'État. Un autre dialogue, antérieur, lui fait écho en distinguant le
domaine du droit du domaine spirituel : « Quelqu'un dit à Jésus, du milieu de la
foule : Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. Jésus lui
répond : Qui m'a établi pour être votre juge, ou pour faire vos partages ? » (Lc
12, 13-14). Si le juge était habituellement une figure religieuse, il est ici affirmé
que le juge dispose d'une autonomie, spécialement dans le domaine prosaïque des
partages successoraux. Aussi, avec ces deux dialogues, se dessine la séparation du
spirituel et du temporel : l'État et le droit ont une autonomie par rapport à la religion,
car ils n'agissent pas sur le même terrain, même s'il existe nécessairement des
points de contact.
109 Condamnation. - Après un procès, Jésus est condamné à mort. Si les sources
sont justes, la rapidité entre l'interrogatoire initial, le procès, la condamnation et la
mort est en soi déconcertante. Le moins que l'on puisse dire est que cette justice est
expéditive. Cela est d'autant plus étonnant que les droits juifs et romains sont, l'un
comme l'autre, légalistes et formalistes, et sans doute davantage que d'autres droits
de la même époque. Ils prévoient des délais, des actes ou encore la présence de
témoins. Quel que soit le « statut » de Jésus, tout cela apparaît largement contraire
au droit, d'autant qu'il n'est fait aucune référence à la présence d'un défenseur.
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