Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 22 - Les associés dans le droit des entreprises en difficulté - 493

L'encadrement des prérogatives de l'associé dirigeant

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souveraine des juges du fond25, sur laquelle la Cour de cassation exerce toutefois
désormais son contrôle26. La rigueur dont fait preuve la jurisprudence se justifie par
la gravité des conséquences qui découlent de la caractérisation d'une direction de
fait. En effet, cela va conduire à appliquer au dirigeant de fait le statut applicable au
dirigeant de droit, mais uniquement dans ses aspects négatifs27. Une fois les critères
de la direction de fait dégagés, une typologie des personnes susceptibles de se voir
appliquer cette qualification peut être dressée, au sein de laquelle les associés
trouvent naturellement place.
458.  La caractérisation d'une direction de fait par un associé - Investi de prérogatives lui conférant un pouvoir dans la société, l'associé intègre naturellement
la catégorie des personnes susceptibles de se livrer, consciemment ou non, à une
direction de fait de la société. L'associé majoritaire qui, en raison de l'importance
de sa participation au capital, contrôle la société, apparaît particulièrement
exposé au risque d'une qualification de dirigeant de fait28. A fortiori, l'associé
unique d'une EURL, lorsqu'il n'est pas dans le même temps son gérant de droit,
est également placé dans une situation propice à une dérive d'un exercice normal
de ses prérogatives vers une gestion de fait de la société29. De même, la pratique du
capital-investissement, et tout particulièrement du capital-retournement, expose
ce type d'actionnaires au risque d'une requalification en dirigeant de fait.  En
effet, l'équilibre est subtil à maintenir entre, d'une part, la nécessité pour l'investisseur de s'assurer la maîtrise de la société cible et, d'autre part, le risque de se
substituer aux dirigeants de droit30.
L'examen de la jurisprudence révèle toutefois la rigueur dont celle-ci fait
preuve dans la caractérisation d'une direction de fait par l'une des parties au
contrat de société. Il en ressort que la seule qualité d'associé, même détenant une
participation majoritaire dans le capital de la société, ne peut être à elle seule
25. V. parmi d'autres : Cass. com., 18 mai 1981, n° 79-16.952, Bull. civ. com., n° 240.
26. Cass. com., 19 mars 1999, n° 95-17.420, Bull. civ. IV, n° 64 : BJS n° 7, 1999, p. 768, § 169 ;
RPC n° 5, 2001, comm. p. 262, obs. A. MARTIN-SERF : « attendu que le pouvoir souverain du juge du
fond s'exerce par une décision dont les motifs, propres à caractériser, en fait, la direction de la société,
sont soumis au contrôle de la Cour de cassation » ; Cass. com., 18 janv. 2000, n° 97-19.010, inédit. Sur
l'évolution du contrôle exercé par la Cour de cassation en la matière, V. D. TRICOT, Les critères de la
gestion de fait, art. préc., p. 25.
27. V.  N. DEDESSUS-LE-MOUSTIER, La responsabilité du dirigeant de fait, Rev.  sociétés
1997, p. 499, spéc. n° 5 et n° 25 et s. ; L. LEVENEUR, th. préc. n° 72 et s. : l'auteur souligne que cette
application distributive des règles applicables au dirigeant de droit contribue au « bon fonctionnement
de l'ordre juridique » (th. préc., n° 78). Toutefois, le dirigeant de fait échappe parfois à certaines des
règles négatives applicables au dirigeant de droit, ce qui a pu être regretté par la doctrine,
V. not. J. HEINICH, Les dirigeants de fait : du neuf dans de l'ancien, art. préc., p. 379 et s.
28. V. not. G. NOTTÉ, th. préc., n° 118 ; M. COZIAN, A. VIANDIER, F. DEBOISSY, op. cit.,
n° 401 ; F. PÉROCHON, op. cit., n° 1686 ; J. BONNARD, Droit des entreprises en difficulté, 7e éd.,
Hachette supérieur, coll. Les Fondamentaux, Vanves, 2016, p. 152 ; C. FREYRIA, Libres propos sur
la responsabilité civile de la gestion d'une entreprise, in Mélanges dédiés à Louis Boyer, Presses de
l'Université des Sciences sociales de Toulouse, 1996, p. 179, spéc. n° 8. Rapp. J.-L. RIVES-LANGE,
La notion de dirigeant de fait..., art. préc., n° 18. Pour un exemple jurisprudentiel illustrant que la
détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital favorise le risque d'une direction de fait, V. CA
Paris, 3e ch., 16 mai 1975 : D. S. 1975, somm. 121, 2e espèce.
29. V. L. LEVENEUR, th. préc., n° 53, p. 66 ; F. PÉROCHON, op. cit., n° 1686. Toutefois cette
situation n'emporte pas nécessairement en elle-même la qualité de dirigeant de fait, V. ainsi : CA Paris,
3e ch., sect. C, 15 janv. 1999, n° 1998/04408 : BJS n° 6, 1999, p. 627, § 137, note B. SAINTOURENS.
30. Sur le risque pour les actionnaires en capital-investissement de se comporter en dirigeants de
fait, V. J.-M. PÉREZ, F. MAZERON, Dangers de la qualification de dirigeants de fait pour les acteurs
du Private Equity, JCP E 2012, 1653.

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