Bibliothèque de droit public - Tome 319 - Le service public de l'éducation nationale sous la troisième République - 212

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LE SERVICE PUBLIC DE L'ÉDUCATION NATIONALE SOUS LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

et on peut admettre qu'en général l'avis d'un père de famille est moins exclusivement individuel »214. La position des « éducateurs » républicains est tranchée : il
faut attendre les effets du service public de l'éducation nationale ; le discours éponyme justifie ainsi l'incapacité politique des femmes. Pourtant, les républicains
fusionnent République et démocratie. Cette assimilation fait partie de l'instruction primaire obligatoire, qu'il incombe à tous de connaître, y compris les femmes.
A priori, la logique démocratique au nom de laquelle les « éducateurs » républicains prétendent agir semble assez illogique. Il faut toutefois replacer l'ambition
démocratique des républicains dans son contexte. Il ne s'agissait pas d'étendre à
tous le droit de vote, mais que ceux qui ont le droit votent de manière réfléchie,
c'est-à-dire dans l'intérêt de la nation215. Cette vision n'est pas sans soulever la
position de la doctrine publiciste, qui n'hésite pas à la formuler.
B. LES DROITS POLITIQUES DES FEMMES
SELON LA DOCTRINE PUBLICISTE
365.  Quand le sujet de l'incapacité politique des femmes est traité par les
publicistes, il ne fait pas l'objet d'une appréhension juridique. La doctrine prend
position sans se justifier. Les positionnements des juristes sont le plus souvent
tranchés216. Les décisions judiciaires relatives à la question du droit électoral des
femmes sont rarement reprises par les publicistes217 ; à leur endroit, un jugement
de valeur est souvent porté alors même que les décisions de la Cour de cassation
sont contestables en droit. La thèse du juriste Moisei Ostrogorski, significativement intitulée La femme du point de vue du droit public est la seule à avoir approfondi la question au point de vue juridique218.
366.  La défiance des uns, la confiance des autres, à l'égard d'un futur élargissement des droits de citoyenneté, repose principalement sur une représentation
de la place de la femme dans la société. Se prononçant tous en faveur de la préservation du rôle familial de la femme, ils n'acceptent pas tous sa participation au
214. FOUILLÉE (A.), La propriété sociale et la démocratie, Paris, Hachette, 1884, p. 193.
215. Cf. supra, n° 200 et s.
216. Sauf Maurice Hauriou, dont la conviction est malaisée à identifier. V. par ex. lorsqu'il
déclare : « [i]l convient en effet de noter l'extrême différence qui existe entre l'homme et la femme au
point de vue social ; le même droit, étendu de l'un à l'autre, ne tarderait pas à produire des effets
opposés ; ainsi qu'il arrive souvent, la dernière extension logique de cette grande force du suffrage
serait le signe de son affaiblissement ». L'association des termes « logique » et « affaiblissement » ne
permet pas de saisir explicitement le point de vue du juriste. HAURIOU  (M.), Précis de droit
administratif et de droit public général, Paris, L. Larose, 4e éd., 1900, p. 334.
217. Les décisions de la Cour de cassation : Cass.  civ., 10  août  1835, Barberousse, S.  1885, I,
p. 317 ; Cass. civ., 21 mars 1893, Vincent, S. 1893, I, p. 384 : « [a]ttendu qu'aucune disposition de nos
lois constitutionnelles ou électorales n'a conféré aux femmes la jouissance et par suite l'exercice des
droits politiques ». Dans ces célèbres décisions, la Cour de cassation se fonde expressément sur
l'article 7 du Code civil. Ces arrêts ont pu faire l'objet de commentaires juridiques contradictoires. Par
exemple, dans son Précis élémentaire de droit constitutionnel, Hauriou écrit que la femme a la qualité
de sujet, mais n'a pas la qualité de citoyen, puis, trois phrases après, écrit qu'elle « a conquis
partiellement la qualité de citoyen ». V. l'art.  « Élections », in BÉQUET (L), Répertoire du droit
administratif, Paris, Paul Dupont, 1897, t. 14, p. 417. HAURIOU (M.), Précis élémentaire de droit
constitutionnel, Paris, Recueil Sirey, 2e éd., 1930, p. 217 ; HAURIOU (M.), Précis de droit administratif
et de droit public général, Paris, L. Larose, 4e éd., 1900, p. 333.
218. 
L'auteur critique point par point les décisions de la Cour de cassation précitées.
OSTROGORSKI (M.), La  femme au point de vue du droit public, étude d'histoire et de législation
comparée, A. Rousseau, 1892, p. 36-40.

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