Bibliothèque de droit public - Tome 319 - Le service public de l'éducation nationale sous la troisième République - 269

Une administration corporative

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laquelle appartient le droit public de l'État, lequel au contraire est très déterminé,
et, par là même, il est une morale juridique autant qu'un droit »300. Il s'agit d'une
morale juridique parce que l'indétermination des devoirs de la fonction est assortie de la détermination, en droit, des peines disciplinaires. Ceci fait penser à
Durkheim, pour qui les règles morales sont des « sanctions répressives » « diffuses », appliquées par « chacun et par tout le monde », tandis que les règles de
droit sont des « règles obligatoires de conduite assorties de sanctions juridiques »301. Nézard constate également que « le pouvoir disciplinaire a bien moins
pour but de faire régner le droit positif qu'un droit beaucoup plus étendu et plus
large qui se confond presque avec la morale » : c'est le pouvoir de faire « régner
l'ordre moral », soit un « pouvoir social de juridiction éthique »302. L'indétermination juridique des « devoirs fonctionnels » fait enfin écrire à Roger Bonnard
qu'il y a de « l'arbitraire dans la répression disciplinaire », parce qu'elle peut être
exercée pour un fait qui n'est pas prévu par la loi, contrairement à la répression
pénale303. Que l'on veuille bien songer enfin à l'affirmation du commissaire du
gouvernement Charles Gomel sur l'arrêt rendu par le Conseil d'État le 16 janvier
1880 : « la discipline du corps enseignant rentre essentiellement dans les attributions de l'administration, et on ne comprendrait pas que le Conseil d'État eût le
droit de réviser les considérations de fait, qui ont déterminé la réprimande ou la
suspension d'un instituteur public »304. Le commissaire du gouvernement Corneille définit encore le droit disciplinaire de « droit répressif secondaire » : il
consiste à assurer la « répression des infractions aux règles qui assujettissent les
fonctionnaires, à raison de leur qualité propre, à des obligations spéciales »305.
Cette expression, qu'il n'explique pas, laisse entendre qu'il existe un droit répressif premier, sinon « primaire » : le droit pénal. La thèse du Professeur Jacques
Mourgeon qui porte sur la répression administrative306, procède justement à une
identification du droit de la répression, par distinction avec le droit pénal, qui
rappelle l'expression de Corneille : le droit pénal est le « droit de la répression au
sein de la Société politique globale, dans laquelle il voit « l'institution primaire »,
celui-là (le droit administratif répressif) étant le droit de la répression au sein de
300. HAURIOU (M.), Principes de droit public..., op. cit., p. 133.
301. DURKHEIM (E.), De la division du travail social, Paris, Félix Alcan, 1893, p. 27.
302. NÉZARD (H.), Éléments de droit public, Paris, A. Rousseau, 1911, p. 397.
303. BONNARD  (R.), De la répression disciplinaire..., op.  cit., p.  8-9. La répression pénale
« suppose que la violation du devoir fonctionnel est qualifiée infraction par la loi pénale. Elle entraîne
l'application de la peine attachée par la loi à cette infraction. C'est une sanction afflictive ». V. p. 4 ;
Larnaude pense également que « la discipline de la fonction publique est essentiellement unilatérale,
imposée autoritairement ! » : LARNAUDE  (F.), « Discours à la Séance de la Société générale des
prisons du 16 mai 1906 », Revue Pénitentiaire, n° 6, juin 1906, p. 838.
304. GOMEL  (C.), concl.  sur CE, 16  janvier 1880, Barbarin, R., p.  56. En l'espèce, le préfet
prononce par arrêté la suspension pendant un mois d'un instituteur public. Le Conseil d'État rejette
la requête de l'instituteur, estimant qu'il ne saurait apprécier « les motifs qui ont déterminé cette
mesure ». Sur le caractère discrétionnaire de la peine disciplinaire infligée par le préfet à l'encontre
d'un instituteur public, v. dans le même sens CE, 21 mai 1880, Cazaneuve, Gardès, Écoles de SainteMadelaine de Troyes, R., p.  470-471. En l'espèce, le préfet inflige la peine de la réprimande à un
instituteur public pour avoir laissé un instituteur enseigner dans l'école dont il est chargé, alors qu'il
n'avait pas obtenu l'agrément de l'administration.
305. CORNEILLE (L.-F.), concl. sur CE, 20 juin 1913, Téry, R., p. 737.
306. « La répression administrative, c'est-à-dire la répression effectuée par l'Administration,
régie par le droit administratif répressif, et utilisant les sanctions administratives ». Aussi, « [a]u sens
étroit, le seul utilisé dans ces pages, la « sanction administrative » désigne la mesure administrative
répressive, c'est-à-dire la peine prononcée au terme du processus de la répression administrative » :
MOURGEON (J.), La répression administrative, Paris, LGDJ, 1967, p. 9.

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