Bibliothèque de droit public - Tome 319 - Le service public de l'éducation nationale sous la troisième République - 410

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LE SERVICE PUBLIC DE L'ÉDUCATION NATIONALE SOUS LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

échapper à la discipline d'un chef unique, pour se soumettre à celle d'une juridiction »108. Tardieu observe dans cet esprit que les juridictions disciplinaires « sont
faites pour donner des garanties aux fonctionnaires contre les révocations arbitraires du gouvernement, mais non pour les soustraire aux tribunaux de droit
commun, s'ils causent aux citoyens quelque dommage »109. Toutefois, l'indépendance de l'enseignant public est moins réelle qu'apparente. Les conseils universitaires, réputés avoir acquis un statut juridictionnel, sont relativement -indépendants
vis-à-vis de l'administration (1). En outre, la décision disciplinaire est intrinsèquement administrative de l'avis majoritaire de la doctrine. Se pose par conséquent la
question de savoir si la décision disciplinaire peut être qualifiée d'acte juridictionnel. La lecture que fait en cette matière la grande majorité de la doctrine est énigmatique. Elle constate la juridictionnalisation de la discipline dans les formes, en
même temps que l'absence de nature contentieuse de la décision disciplinaire. Ne
voit-on pas aussi une police de la fonction publique enseignante exercée sous les
formes d'une justice retenue par l'administration de l'-Instruction publique ? (2)
1. L'indépendance relative des conseils disciplinaires vis-à-vis de l'administration
677. La principale question que pose l'exercice du pouvoir disciplinaire par
les conseils de l'instruction publique est de savoir s'ils sont des juridictions indépendantes de l'administration de l'Instruction publique. Ces conseils, nés de l'administration de l'Instruction publique, constituent-ils un tiers vis-à-vis d'elle ? La
séparation de l'administration de l'Instruction publique et de la juridiction administrative de l'instruction publique est-elle fictive, ceci revenant à penser que l'administration de l'Instruction publique dispose d'une « justice privée » ?
678. Sous le régime républicain, la majorité des juristes reconnaît que les
conseils de l'Instruction publique sont des juridictions administratives spéciales,
sans faire pleinement la preuve de leur « fonction juridictionnelle », ni même
expliquer ce qui justifie de les qualifier de « spéciales ». En quoi les conseils de
l'Instruction publique sont-ils des juridictions, non seulement administratives,
mais également spéciales ? Edouard Laferrière atteste ainsi de l'existence d'une
« juridiction spéciale à l'instruction publique », dont les attributions sont « juridictionnelles », « tant en matière contentieuse qu'en matière disciplinaire »110. On
s'étonne que la matière disciplinaire puisse être juridictionnelle, indépendamment
de sa « nature contentieuse »111. Ce qui fait la spécificité de chacune de ces
-attributions, contentieuses et disciplinaires, est équivoque, sauf à se contenter
108. DROUILLE (J.), Le pouvoir disciplinaire..., op. cit., p. 12 ; Concernant l'indépendance,
v. par ex. GIBERT (M.), La discipline des fonctions publiques, op. cit., 118-119 : « [i]l y a, pourrait-on
dire, à côté des trois pouvoirs traditionnels un quatrième pouvoir, et l'indépendance du professeur
dans l'interprétation des résultats scientifiques est aussi nécessaire que l'indépendance du juge dans
l'interprétation de la loi » ; BONNARD (R.), De la répression disciplinaire..., op. cit., p. 132 ;
DELEAU (M.), L'évolution du pouvoir disciplinaire..., op. cit., p. 105 : « [i]l a paru nécessaire de laisser
une grande indépendance en raison du caractère de leur fonction aux membres du corps enseignant. Ils
possèdent un statut disciplinaire presque entièrement « juridictionnalisé » ».
109. TARDIEU (J.), concl. sur TC, 2 juin 1908, Girodet c. Morizot, R. p. 598. Par cette
affirmation, on peut implicitement comprendre que les juridictions disciplinaires ne sont pas des
juridictions de droit commun.
110. LAFERRIÈRE (F.), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Paris,
Berger-Levrault, 1896, t. 1, p. 422-423.
111. Sur la nature contentieuse de la fonction juridictionnelle, v. CHEVALLIER (J.), « Fonction
contentieuse et fonction juridictionnelle
», in Mélanges en l'honneur du Professeur Michel
Stassinopoulos, Paris, LGDJ, 1974, p. 275.

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