Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 108

HUMAIN NON-HUMAIN

sure où il leur prête des facultés mentales humaines, et même parfois surhumaines. Alors qu'elle entre dans les conceptions générales de l'homme civilisé,
la différence fondamentale entre les êtres humains et les autres créatures n'existe
pas pour l'homme primitif. Celui-ci applique également le droit aux êtres nonhumains parce qu'à ses yeux ils sont humains, ou du moins similaires à l'homme.
En ce sens, le droit primitif est donc, lui aussi, un ordre de la conduite humaine 70».
C'est avec le droit moderne 71 que tous les êtres humains, quels qu'ils soient,
disposent désormais de la qualité de sujets de droit et que les non-humains en
étaient, jusque-là, exclus. Dans cette conception anthropocentrique du droit,
seuls les humains sont considérés comme dotés d'une âme et d'une volonté.
b). Les critères politiques de la personnalité juridique

Un des critères fondamentaux que la doctrine traditionnelle a relevé par le
passé était la capacité de disposer d'une volonté. C'est ainsi par exemple que
Puchta écrit, « l'homme est sujet de droit parce qu'il possède cette possibilité de
se déterminer lui-même, parce qu'il a une volonté, c'est-à-dire parce qu'il est
libre 72 ».
L'intégration récente de certaines entités non-humaines dans la catégorie de
sujet de droit vient requestionner les critères d'attribution de la qualité de sujet
de droit. Même si ces critères concernent la personnalité juridique non-humaine,
la doctrine a pu mettre en avant l'intérêt d'étendre ceux-ci à la personnalité juridique humaine 73.
La question alors ici est d'analyser sur quels critères politiques le droit positif
et la doctrine intègrent certaines entités non-humaines dans la catégorie de sujet
de droit. Or, après l'animisme juridique, c'est-à-dire la croyance en l'existence
d'une âme chez le non-humain justifiant l'octroi de la personnalité juridique, l'on
voit apparaître une nouvelle manière d'intégrer le non-humain en droit. Elle traduit alors l'évolution de notre conception de l'intériorité : psychique puis cognitiviste.
70. Hans KELSEN, Théorie générale du droit et de l'État, op. cit., p. 55, 56. Voir aussi Hans
KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit., p. 40, p. 92, p. 104 et p. 135.
71. Voir la critique de Hans KELSEN sur ce point précisément du passage du droit antique au droit
moderne. Hans KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit., p. 174 : « La doctrine traditionnelle ne
nie pas que personne et homme sont deux notions distinctes bien qu'elle croie pouvoir affirmer
qu'à la différence du droit antique le droit moderne fasse de tous les hommes des personnes, ou
reconnaisse la personnalité juridique à tous les hommes ».
72. Georg F. PUCHTA, Cursus der institutionen, Breitkopf und Härtel, Leipzig, 1850, t. I, p. 4-6.
p. 1454, cité dans Anne PAYNOT-ROUVILLOIS, « Sujet de droit », dans Denis ALLAND et Stéphane RIALS (dir), Dictionnaire de culture juridique, op. cit., p. 1454. Voir d'une manière
générale les travaux des pandectistes allemands au 19ème siècle, Bernhard WINDSCHEID, Friedrich C. SAVIGNY et Georg F. PUTCHA donc, et comment ils se retrouvent aujourd'hui dans la
doctrine juridique.
73. Jean-Pierre MARGUÉNAUD propose ainsi que le critère du « moment à partir duquel l'enfant est
apte à ressentir la douleur, la souffrance et l'angoisse » soit préférable à celui de la naissance
concernant le début de la personnalité juridique humaine, voir Jean-Pierre MARGUÉNAUD, « Le
droit animalier, de l'anecdotique au fondamental », op. cit., p. 916.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020

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