Droit et Société - Volume 60 - Humain Non-Humain - 174

HUMAIN NON-HUMAIN

S'agissant des animaux, c'est le bouclier protecteur de la personnalité juridique qui est recherché 16. Les partisans d'une personnalité animale n'ont d'autre
objectif que de mieux protéger les animaux contre les actions humaines. C'est
d'ailleurs pour tenter de répondre à cette demande que le législateur français a
intégré le très maladroit article 515-14 dans le Code civil, insistant sur la vie et
la sensibilité comme caractéristiques principales des animaux 17. S'il n'a pas, ce
faisant, véritablement effectué le pas déterminant pour la reconnaissance des animaux sensibles comme sujets de droits (en leur appliquant le régime des biens),
il a en revanche clairement pointé les éléments principaux de la préoccupation
morale conduisant à leur offrir un traitement juridique spécifique. Si la dimension technique de la personnalité juridique est mise en avant - notamment pour
justifier de ce qu'elle n'est pas réservée aux personnes humaines -, c'est donc
pour la mettre au service de droits naturels pour les animaux 18. À l'inverse, le
souci exprimé à l'égard des IA n'est pas de l'ordre de la protection contre les
actions humaines. La personnalité juridique y est mobilisée comme une technique d'attribution de la responsabilité et de gestion du patrimoine 19. Le but est
de parvenir à imputer la responsabilité des dommages qui pourraient découler
d'une décision prise par un programme algorithmique auto-apprenant, fut-ce en
lui attribuant un patrimoine et en l'érigeant en assuré pour éviter à la victime
d'avoir à établir la responsabilité du producteur, de l'utilisateur ou du concepteur.
Dans ce cas, l'aptitude à être débiteur, titulaire d'un patrimoine et assujetti à une
régulation est donc considéré comme un élément déterminant, alors qu'elle est
mise à l'écart par les tenants de la personnalité animale. Dans le même sens, les

16. Jean-Pierre MARGUENAUD, L'animal en droit privé, PUF, Paris, 1992, p. 379-406 ; Florence
BURGAT, « La personne, une catégorie juridique souple propre à accueillir les animaux », op.
cit., p. 175.
17. Sur la controverse autour de la « définition » des animaux ainsi intégrée, laissant supposer que
seuls les êtres doués de sensibilité sont des animaux pour le droit : Philippe REIGNE, « Les
animaux et le Code civil », dans JCP G 2015, n° 9, p. 242 ; Jean-Pierre MARGUENAUD, « Une
révolution théorique : l'extraction masquée des animaux de la catégorie des biens », dans Recueil Dalloz, 1998, n° 10-11, p. 495-501 ; Philippe MALINVAUD, « L'animal va-t-il s'égarer
dans le Code civil ? », dans Recueil Dalloz, 2015, n° 3, p. 87. La maladresse de rédaction tient
autant à la question de l'érection d'une définition proprement juridique des animaux qu'au
champ d'application de l'article 515-14 c. civ. réservant les règles spéciales protectrices
relatives aux animaux dérogeant au droit commun (ce qui ne laissent pas d'interroger sur le sort
des règles spéciales non protectrices).
18. Jean-Pierre MARGUENAUD, L'animal en droit privé, op. cit. ; Florence BURGAT, article précité.
19. Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la
Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique, précitée, point 59, f ; Alain et
Jérémy BENSOUSSAN, Droit des robots, Larcier, Bruxelles, 2015, 168 p. Contra Nathalie
NEVEJANS, Traité de droit et d'éthique de la robotique civile, Les Editions Hospitalières, Bordeaux, 2016, 1232 p ; Alexandra BENSAMOUN et Grégoire LOISEAU, « L'intégration de
l'intelligence artificielle dans l'ordre juridique en droit commun : une question de temps », dans
Dalloz IP/IT 2017, p. 239-243 ; Marie-Anne FRISON-ROCHE, « Pour protéger les humains,
l'impératif éthique de la notion juridique de personne », mai 2018, p 363-378 :

(dernière consultation le 20/09/2018).

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 60, 2020

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http://www.mafr.fr/fr/article/la-garde-de-lunite-de-la-personne-dans-un-system-2/
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