Hors collection - La confiscation des avoirs criminels - 21

	

Propos introductifs	13

Si l'évolution depuis 2004 est donc certaine, l'on peut néanmoins tenter
de dépasser cette première approche en relevant en droit positif les signes
d'un changement plus profond de politique criminelle, à condition de sortir
du seul champ des saisies et confiscations pénales, comme du seul droit
interne.
En droit interne, la volonté des pouvoirs publics d'appréhender les
avoirs criminels ne s'est pas concrétisée par le seul développement des
saisies et confiscations pénales. En effet, dès les années 1990, les ressources
du droit pénal spécial ont également été mises au service de ce projet, en
pénalisant les actes de dissimulation de l'origine du produit des crimes et
délits, et d'usage de celui--ci. La loi n° 96-392 du 13 mai 199622, texte majeur
de répression du blanchiment, a ainsi étendu le champ d'application de
cette incrimination au produit de tous les crimes et délits23, quand, plus
récemment, la loi du 6 décembre 2013 a créé dans le Code pénal un nouvel
article 324-1-1 instituant en matière de blanchiment une présomption
simple d'origine frauduleuse des biens, lorsque certaines opérations économiques ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine
ou le bénéficiaire effectif des biens litigieux24. De même, la loi n° 2006-64
du 23 janvier 200625 a généralisé à l'article 321-6 du Code pénal le délit de
22. L. n° 96-393, 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence
ou de négligence, JO 14 mai, p. 7211.
23. V. sur ce délit M. Segonds, Rép. pén., V. « Blanchiment ».
24. C. pén., art. 324-1-1 : « Pour l'application de l'article 324-1, les biens ou les revenus
sont présumés être le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que les
conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine
ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus ». - V. pour une première application de
ce texte (Cass. crim., 6 mars 2019, n° 18-81059, Bull. crim., n° 52 : « Justifie sa décision la
cour d'appel qui, pour appliquer la présomption d'origine illicite des fonds, prévue par
l'article 324-1-1 du code pénal pour les biens ou les revenus objet d'une des opérations
de blanchiment visées à l'alinéa 2 de l'article 324-1 du même code, relève, par des motifs
procédant de son appréciation souveraine, les circonstances de fait lui permettant d'énoncer
que les conditions matérielles de l'opération de dissimulation de la somme en possession de
laquelle le prévenu a été trouvé lors de son passage à la frontière ne peuvent avoir d'autre
justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de cette somme ». - V. à
propos de ce texte Ch. Cutajar, « Le nouvel arsenal de lutte contre la fraude fiscale et la
grande délinquance économique et financière », JCP G 2013, p. 1366 ; A. Letocart, « La
revitalisation du traitement judiciaire du blanchiment », JCP G 2015, p. 899 ; « Le volet
répressif de la loi sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière »,
AJ pénal 2013, p. 638 ; H. Robert, « Une nouvelle étape normative dans le renforcement
des moyens de lutte contre la criminalité d'argent. À propos de la loi du 6 décembre 2013 »,
JCP G 2014, p. 182 ; M. Segonds, « Commentaire de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre
2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et
financière », Dr. pén. 2014, étude 3.
25. L. n° 2006-64, 23 janv. 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, JO 24 janv., p. 1129.
Hors collection - La confiscation des avoirs criminels

Table des matières de la publication Hors collection - La confiscation des avoirs criminels
