Hors collection - La confiscation des avoirs criminels - 27

	

Propos introductifs	19

quels droits bénéficient--ils ? Si, en effet, le droit pénal substantiel ne permet
pas que soient confisqués les droits dont un tiers de bonne foi est titulaire
sur un bien confisqué, y compris lorsque le bien confisqué est le produit
de l'infraction, ainsi que l'a jugé la chambre criminelle en se fondant sur le
droit de l'Union européenne50, le législateur n'a pas donné à cette restriction de fond de déclinaison procédurale, en s'abstenant de créer pour les
tiers un statut particulier au stade de l'audience de jugement51. Cette lacune
a conduit la chambre criminelle à conférer certains droits processuels à
ces tiers, en posant pour principe que le tiers qui a des droits sur un bien
confisqué en première instance est fondé à intervenir en cause d'appel52,
ou bien encore qu'en cas de confiscation prononcée par la cour d'appel, le
tiers peut porter un incident contentieux devant le juge répressif, l'autorité
de la chose jugée ne lui étant pas opposable53. Mais est--ce suffisant ?
Cette première interrogation relative aux droits processuels des tiers
invite par ailleurs à réfléchir à la mise en œuvre du principe de la personnalité des peines en cas de confiscation, puisqu'en effet il n'est pas rare, en
pratique, qu'un bien saisi ou confisqué soit l'assiette de droits réels dont
sont titulaires des tiers non poursuivis pénalement. L'interrogation est
d'ailleurs ancienne, si l'on observe que Beccaria relevait dans le traité Des
délits et des peines, à propos de l'ancienne peine de confiscation générale des
biens du condamné, que « les confiscations mettent à prix la tête des faibles,
font retomber le châtiment du coupable sur des innocents qu'elles plongent
dans le désespoir et qu'elles forcent à commettre à leur tour des délits ».
« Quel spectacle plus triste, écrivait--il, que celui d'une famille réduite à
la honte et à la misère par le crime de son chef, crime que la soumission
ordonnée par les lois l'aurait empêchée de prévenir quand bien même elle
en aurait eu les moyens »54. Plus près de nous, songeons aux situations de
démembrement du droit de propriété, d'indivision ou de communauté
conjugale de biens, qui faisaient d'ailleurs déjà l'objet de réflexions des
juristes au Moyen--Âge55. Or, comment mettre en œuvre le principe de
50. Cass. crim., 7 nov. 2018, n° 17-87424, Bull. crim., n°  188 ; Dr. pén. 2018, comm. 215,
note E. Camous ; Gaz. Pal. 2018, n° 43, p. 18, note S. Almaseanu ; AJ pénal 2019, p. 45,
note M. Hy ; Procédures 2019, comm. 21, note A.-S. Chavent--Leclère.
51. V. en ce sens L. Ascensi, Droit et pratique des saisies et confiscations pénales, préc.,
n° 131.41 et 132.161.
52. Cass. crim., 15 janv. 2014, n° 13-81874, Bull. crim., n° 12.
53. Cass. crim., 20 mai 2015, n° 14-81741, Bull. crim., n°  121 ; Gaz. Pal. 2015, n° 1, p. 4,
note R. Mésa.
54. C. Beccaria, Des délits et des peines (1764), Flammarion, 1991, § XXV, p. 117.
55. R. Alméras, De bonis damnatorum, Les biens du condamné dans l'Ancien droit,
thèse, Montpellier, 2016, p. 153 à 164 : « Comme nous le voyons, si la règle de la puissance
maritale sur les biens communs est respectée en cas de condamnation de l'épouse, elle est
en revanche écartée en cas de confiscation du mari. La jurisprudence fait ainsi prévaloir la
personnalité de la peine sur les prérogatives conjugales de chacun des époux ».
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