Hors collection - La confiscation des avoirs criminels - 67

La confiscation préventive dans la législation... 59

assez lâche, en ce sens que les différents États se voient accorder une très
large « marge d'appréciation »31. Ainsi, la CEDH permet l'application de
modèles de confiscation particulièrement pénétrants - comme, précisément,
la confiscation de prévention - surtout en présence de formes de criminalité organisée qui peuvent être difficilement combattues par des mesures
pleinement respectueuses des garanties « en matière pénale »32.
Pourtant, comme mentionné ci--dessus, il est arrivé que la Cour constitutionnelle italienne affirme l'illégitimité constitutionnelle de la confiscation
préventive précisément à la lumière de la jurisprudence de la CEDH. En
particulier, dans l'arrêt du 23 février 2017, De Tommaso c/ Italie, la Grande
Chambre de la CEDH a jugé que la législation italienne sur les mesures
préventives ne respectait pas les principes de clarté--précision et de prévisibilité qui, comme on le sait, doivent être respectés par toute règle prévoyant
des limitations d'un droit protégé par la CEDH. Dans cet arrêt, il est
vrai que la mesure préventive examinée n'était pas la confiscation, mais un
contrôle spécial (sorveglianza speciale), à l'égard duquel la CEDH a estimé
que certaines catégories (de personnes auxquelles la mesure en question
pouvait être appliquée) manquaient de clarté et de précision33, avec pour
conséquence une violation de l'article 2, paragraphe 4, de la CEDH - sur
le droit de circulation. Mais comme la confiscation préventive (ainsi que la
saisie préventive) pouvait également s'appliquer aux mêmes catégories de
sujets, la Cour constitutionnelle a estimé, dans l'arrêt n° 24 de 2019 déjà
mentionné34, que cette mesure, tout comme celle de la surveillance spéciale,
est en contraste avec la CEDH, pour violation de l'article 1, Prot. n° 1
CEDH, qui protège le droit de propriété35.
31. Cf. F. Palazzo, « Pour une refonte radicale du système de prévention ante delictum »,
in Criminalia, 2017, p. 141 et s.
32. Cf. F. Menditto, « Lo Statuto convenzionale e costituzionale delle misure di
prevenzione, personali e patrimoniali. Gli effetti della sentenza della Corte costituzionale
27 febbraio 2019, n.° 241 », précité, p. 34. L'auteur souligne que « La Cour européenne a
toujours reconnu la compatibilité des mesures italiennes de prévention avec la CEDH (...).
La confiscation antimafia est l'une des mesures (pas forcément de nature pénale) nécessaires
et appropriées pour la protection de l'intérêt public. Elle ne peut être comparée à une
sanction pénale selon les trois critères identifiés par la même Cour pour affirmer qu'une
mesure a un caractère pénal aux fins de la Convention : la qualification en droit interne, la
nature de la sanction, la sévérité de la sanction ».
33. Il fait allusion aux catégories de « génériques dangereux » indiquées à l'article 1er, lettres
a) et b), du décret législatif 159/2011 : c'est--à‑dire ceux qui « doivent être considérés, sur la
base d'éléments de fait, comme se livrant habituellement au trafic criminel », ou ceux qui
« pour le comportement et le niveau de vie doivent être considérés, sur la base d'éléments
de fait, comme vivant habituellement, même en partie, du produit d'activités criminelles ».
34. Cf. supra, note 24.
35. Cf. S. Finocchiaro, « Due pronunce della Corte costituzionale in tema di principio di
legalità e misure di prevenzione a seguito della sentenza De Tommaso della Corte EDU »,
in Dir. pen. cont., 4 mars 2019.

https://archiviodpc.dirittopenaleuomo.org/autori/603-stefano-finocchiaro

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