Manuel - Droit européen des droits de l'homme - 9e - 570

DROIT EUROPÉEN DES DROITS DE L'HOMME
convocation et l'interrogation des témoins ne sont toutefois pas une obligation
: le tribunal dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation, pourvu que,
dans son ensemble, la procédure litigieuse paraisse équitable341
.C'est au juge
national qu'il incombe de décider de la nécessité ou de l'opportunitédeciter
un témoin342
: cette attitude doit être approuvée, mais l'abstention de ce juge
. En réalité, trois éléments déterminent la conventionnalité
sera contraire à l'article 6 dèslorsque lesdroitsfondamentaux ont manifestement
été violés343
du refus d'une juridiction d'entendre un témoin à décharge dont l'audition est
sollicitée par l'accusé : d'abord, l'importance de la demande au regard de la
manifestation de la vérité ; ensuite, l'appréciation par les juges de la pertinence
de ladite demande et la motivation circonstanciée de son refus ;
enfin, le contrôle de l'équité globale de la procédure, ce dernier élément
apparaissant comme « le point de référence définitif dans l'analyse d'un procès
». L'arrêt Murtazaliyeva qui seprononceen cesens344
fait l'objet d'un certain
nombre de critiques, le reproche principal étant qu'il témoigne d'une
nouvelle régression des droits de la défense dans la jurisprudence européenne
« en raison de la place déterminante accordée au critère de l'équité
globale, critère difficilement conciliable avec une protection effective des
droits de l'accusé »345
.
Il apparaît ainsi que, malgré son importance, la protection des témoins ne
doit pas se faire au détriment des droits de la défense346
.Il reste que lorsque
l'audition des témoins s'impose, les éléments de preuve doivent en principe
être produits devant l'accusé, en audience publique, en vue d'un débat
contradictoire,347
mais la Cour admet que, parfois, cela n'est pas possible : la
question peut parfois être délicate, en particulier lorsque le témoin souhaite
garder l'anonymat.
b) Le casparticulier du témoin anonyme. La question des témoins anonymes
est particulièrement délicate, l'anonymat étant apriori peu conforme
aux principes européens, mais néanmoins nécessaire, qu'il s'agisse des
témoins ordinaires ou des témoins spéciaux comme les agents infiltrés : il
convient de protéger les uns contre des risques de représailles, et les autres
équitable si certains témoins n'ont pas été entendus : CEDH, 15juill. 2003, Sigurthor Arnarsson c/ Islande,
no
44671/98. V. aussi CEDH, 13 avr. 2006, Zentar c/France,no
7902/02, § 31.
341. CEDH, 22 avr. 1992, Vidal c/Belgique, nº 12351/86, § 33 (refus de citation d'un témoin à décharge). Cf.
aussi CEDH, déc., 2mai 2029, Famulyak c/Ukraine, nº 30180/11 (procédure équitable malgré l'impossibilité
pour l'accusé d'interroger à nouveau des témoins à charge au cours de son nouveau procès : irrecevabilité).
342.
CEDH, 19déc. 1989, Kamasinski c/Autriche,préc.,§ 89 et s.
343. Ce sera le cas si, après avoir refusé d'auditionner un témoin, la juridiction nationale condamne sur le
fondement de déclarations antérieures que ce témoin a pu faire : CEDH, 24nov. 1986, Unterpertinger
c/Autriche, nº 9120/80, § 33.
344. CEDH, Gr. Ch., 18 déc. 2018, Murtazaliyeva c/Russie, nº 36658/05, JCP 2019, nº 9-10, 253, note
L.MILANO, Dr. Pénal 2019,nº 4,4,obs.E. DREYER, JDI 2019,chron. 7,nº 14, obs.D. LACHAL.
345. L.MILANO,note préc.
346. CEDH, 10nov. 2005, Bocos-Cuesta c/ Pays-Bas,no
54789/00, § 72, RSC 2006. 452, obs. Fl. MASSIAS.
347. C'est une application du principe d'égalité des armes : supra,no 405 et s. Il est essentiel que les dépositions
des témoins ne soient pas contradictoires ou incohérentes : CEDH, 13nov. 2018, Zhang c/Ukraine,
nº 6970/15.
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