Bibliothèque de droit social - Tome 79 - La charge de travail - 140

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LA CHARGE DE TRAVAIL

considèrent d'ailleurs qu'un salarié peut contester la validité d'une telle convention tant que l'action en paiement des heures supplémentaires n'est pas prescrite141. Cette sanction coercitive, aux conséquences potentielles très fortes142, a
permis à la Cour de cassation de ne pas remettre en cause le principe même du
forfait-jours, mais de responsabiliser les employeurs et partenaires sociaux avant
leur mise en œuvre.
198. La sanction de l'inaction de l'employeur. La sanction diffère lorsque la
convention collective est suffisamment protectrice, mais que l'employeur ne met
pas en œuvre ses stipulations afin d'assurer de facto la protection de la santé du
salarié. Sous l'empire de la jurisprudence antérieure, l'inobservation des garanties
conventionnelles « ne met[tait] pas en cause la validité de la convention de forfait
en jours », mais « ouvr[ait] cependant droit à des dommages et intérêts au profit
du salarié »143. Une sanction différente est dorénavant appliquée pour des faits
similaires. En effet, dans l'arrêt fondateur du 29 juin 2011, « les stipulations de
l'accord collectif du 28 juillet 1998 dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours
n'avaient pas été observées par l'employeur ». Dans ce cas, il a été décidé que la
convention de forfait devait être privée d'effet144. On retrouve cette solution dans
la jurisprudence ultérieure145. À la différence de la convention de forfait nulle,
celle qui est privée d'effet n'est pas anéantie rétroactivement. Elle ne produit
aucun effet pendant la période pour lesquels les manquements de l'employeur ont
été constatés. Seulement pour cette période, le salarié peut prétendre au paiement
d'heures supplémentaires. La période antérieure aux manquements de l'employeur reste concernée par la convention de forfait, qui est réactivée dès lors que
l'employeur applique les stipulations de la convention collective qui sont suffisamment protectrices de la santé du salarié146. C'est à l'employeur qu'il incombe
de prouver que ces stipulations protectrices ont bien été appliquées147
199. Une jurisprudence conforme aux exigences du CEDS. La construction
de cette jurisprudence protectrice, exigeant que la charge de travail soit régulée
par le biais d'un suivi régulier, a permis de rendre la pratique du forfait en jours
conforme aux exigences européennes. Dans ses dernières conclusions relatives à la
France, « le Comité [européen des droits sociaux] constate que la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation donne des assurances quant au respect de la
durée du travail raisonnable des salariés relevant du forfait jours. Il considère par
conséquent que l'article 2§1 sera respecté lorsque toutes les conventions collectives concernées auront été modifiées conformément à l'arrêt de la Cour »148.
Dans l'attente d'une telle évolution du droit conventionnel, la Cour de cassation
demeure garante du respect des droits fondamentaux des travailleurs en vérifiant,
141. Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-23.314, FS-P+B.
142. Si une entreprise emploie un grand nombre de salariés en forfait-jours sur la base d'une
convention collective illicite, tous les salariés concernés peuvent demander un rappel de paiement
d'heures supplémentaires.
143. Cass. soc., 13 janv. 2010, n° 08‑43.201, FS-P+B.
144. Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09‑71.107, FS-P+B+R+I.
145. Cass. soc., 2 juill. 2014, n° 13‑19.990, F-D ; Cass. soc., 15 déc. 2016, n° 14‑29.701, F-D.
146. D. Jacotot, « Les relations entre l'accord collectif et le contrat liant le salarié à l'employeur
en matière de forfait-jours annuel », JCP S 2014, 1435.
147. Cass. soc., 19 déc. 2018, n° 17-18.725, F-P+B.
148. CEDS, Conclusions sur l'application de la Charte sociale européenne révisée par la France,
art. 2§1, 2014.

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