Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 200

LES PACTES D'AFFAIRES
216 Signification de l'agression. - L'agression est assurément une nuisance pour autrui.
Elle serait même la nuisance par excellence. Qui plus est, à en croire notre maxime, elle
serait « un mal ». Pourquoi retenir une qualification si péjorative à son encontre ? Quelle
raison pousse à une formule si acrimonieuse ? À vrai dire, la réponse est assez simple.
L'agression doit être regardée comme un mal en ce qu'elle est une attaque, ce qui sousentend
fatalement une violence envers autrui. L'agression trouble le cours normal des
choses et fragilise la paix sociale. C'est d'ailleurs ce que nous apprend l'étymologie du
mot. L'agression viendrait du latin agressio qui signifie « attaque » ou « action d'attaquer
». L'agression suggère donc un mouvement, un acte positif et s'oppose ainsi à
l'inertie, à l'inaction. Mais il ne s'agit pas de n'importe quelle attaque. Le Littré précise
que l'agression est une attaque « inattendue », qui surgit « sans raison » et « sans provocation
». Aussi l'agression se produit-elle toujours par surprise, elle s'impose sans
prévenir, celui qui est agressé ne s'y attendant pas. En ce sens, l'agression apparaît
comme un mal absolu. Il faut dire que, depuis bien longtemps, l'Homme est prévenu
des dangers de l'agression. Dès l'Antiquité, l'agression était observée avec méfiance.
Elle était signe de malheur, de barbarie et de mort. Dans la mythologie grecque, on
retrouve de nombreux mythes4
dans lesquels l'agression a conduit à une catastrophe,
voire à un chaos. La guerre de Troie n'a-t-elle pas été déclenchée par une agression
immorale et immonde ? N'était-ce pas l'enlèvement d'Hélène, reine de Sparte et épouse
de Mélénas, par Pâris, fils du roi de Troie Priam, qui fut le détonateur de cette guerre
sanglante ? Cette agression contre Sparte, mais également contre les règles sacrées du
mariage, déclencha une guerre ignoble de dix années qui prit fin avec la chute d'un
royaume jusqu'alors prospère. Plus proche de nous, au XIX
e siècle, n'était-ce pas l'agression
contre l'Espagne par l'empereur Napoléon qui précipita l'effondrement de l'empire ?
Les historiens s'accordent à dire que la campagne d'Espagne fut celle de trop ; celle qui
hâta la ruine de l'instigateur de notre Code civil.
217 L'agression combattue par le droit. - Pour toutes ces raisons, l'agression est combattue
par le droit. En ce que l'agression est vectrice de désolation, de désordre et de mal, le
droit par principe condamne les agresseurs et promeut les faiseurs de paix. Ce parti pris
pour la paix ne doit pas surprendre tant la paix apparaît indéfectiblement arrimée au
droit. Ihering n'avait-il pas démontré que la paix est l'ultime but poursuivi par le droit ?
Elle serait selon le juriste allemand le « terme du droit»5
, sa finalité. Dans le même
ordre d'idées, les juristes ne font-ils pas quotidiennement de la paix un objectif à
atteindre6
Empêcher le désordre que provoque l'agression et préserver l'harmonie sociale par le
dialogue juridique et le débat judiciaire7
.
Conceptuellement, deux rapports révèlent la permanente recherche de la paix par le droit.
Tout d'abord, cette quête de la paix se donne à voir dans les rapports entre États. Aussi,
ce sont bien souvent les internationalistes que l'on trouve au chevet de la paix. Les stigmates
de la Grande guerre et de la seconde guerre mondiale ont poussé les États-nations
(4) Le Doyen Carbonnier avait insisté sur l'importance des mythes pour la science juridique dans un de ses cours de
doctorat. L'illustre auteur, qui partage la pensée de l'école rationaliste, estime que « le mythe a toujours un sens
caché sous la lettre, sous la légende apparente un sens que l'on peut, que l'on doit traduire ». Le mythe, écrit-il,
« serait donc toujours du même type, une espèce de rationalisation ». V. J. CARBONNIER, « Le mythe comme support
de la règle de droit (Cours de doctorat 1977-1978) », in Écrits, PUF, Paris, 2008, p. 1216.
(5) Cette promotion pour la paix, Ihering l'avait décrite avec des mots entrés dans la postérité. Dans son ouvrage Le
combat pour le droit, le juriste allemand écrivait que « la paix est le terme du droit, le combat est le moyen de
l'atteindre ». V. R. IHERING, Le combat pour le droit, trad. A. F. Meydieu, A. Durand et Pedone-Lauriel, Paris, 1875,
p. 1.
(6) Très récemment, les juristes (d'affaires) ont cherché à répondre à cette question dans un colloque tenu en 2014 à
la faculté de droit d'Aix-en-Provence. Les riches contributions des participants sont disponibles dans un ouvrage
collectif. V. J. MESTRE (dir.), La paix, un possible objectif pour les juristes du droit des affaires ?, LGDJ, Paris, 2016,
404 p.
(7) Avec en maître de ce débat judiciaire le juge. Ce dernier, écrivent les professeurs Cadiet et Jeuland, est « un tiers
impartial à égale distance des parties », c'est lui « qui les départage et les fait prendre part à l'œuvre de pacification
sociale qu'est le jugement». V. L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé,11e
éd., LexisNexis, Paris, 2020, nº 7.
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?N'est-ce pas la mission la plus noble que le législateur leur ait confié ?

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