Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 206

LES PACTES D'AFFAIRES
225 Présomption et seuils de protection. - Comment la Commission a-t-elle fait pour
protéger les petits pactes des foudres de la sanction ? En pratique, elle s'est simplement
appuyée sur « une figure immémoriale [...] de l'ordre juridique »39
considérèrent même comme un « pilier de l'édifice juridique tout entier»40
, que d'aucuns
:la
présomption. En effet, la Communication de minimis prévoit un système de
présomptions « qui permet, d'écarter d'emblée, certains accords du dispositif
d'incompatibilité de l'article 101(1) TFUE»41
. Aux termes de la Communication de
minimis, deux types d'accords sont présumés ne pas restreindre de manière sensible le
jeu de la concurrence au sens de l'article 101. Pour les accords horizontaux, c'est-à-dire
ceux conclus par des entreprises se faisant concurrence sur le même marché, la
Communication estime qu'ils sont bénins pour la concurrence dès lors que la part de
marché cumulée des parties n'excède pas 10%42
. Pour les accords verticaux, c'est-àdire
ceux conclus entre entreprises n'opérant pas au même niveau sur la chaîne de
valeur, la Communication juge qu'ils ne restreignent pas la concurrence dès lors que la
part de marché détenue par chacune des parties n'excède pas 15% sur aucun des
marchés en cause affectés par l'accord43
. Dans le doute sur l'appartenance d'un accord
àl'une ou l'autre catégorie, la Commission indique que c'est le seuil de 10% qui a
vocation à s'appliquer44
. Ainsi, les pactes de non-agression remplissant les conditions
posées par la Commission ne seront-ils pas sanctionnés, fussent-ils anticoncurrentiels
par essence. L'institution bruxelloise, s'arrimant à l'analyse économique, refuse d'ouvrir
une procédure d'infraction pour ces « petits » pactes. Il convient néanmoins de relever
que ces pactes ne sont pas forcément à l'abri de tout contentieux. Le contentieux
privé45
demeure une voie potentiellement féconde pour les entreprises s'estimant lésées
par l'accord. En effet, une entreprise, voire un consommateur, demeure libre de saisir le
juge judiciaire pour faire annuler le pacte litigieux et tenter d'obtenir des dommages et
intérêts en se fondant sur l'article 1240 du Code civil. De plus, précision importante, la
Communication de minimis ne lie que la Commission. Partant, un juge ou une autorité
nationale de concurrence aura toujours le droit de condamner des entreprises parties à
un pacte de non-agression alors même que les seuils fixés par la Communication sont
respectés. C'est dire que tous les « petits » pactes de non-agression ne sont pas
immunisés par la règle de minimis. En effet, se présentent parfois des affaires où « au
lieu d'enfermer la petitesse dans ce qu'elle est, le droit [de la concurrence]46
d'un accroissement imprévu et, la tirant vers le haut, la transporte au-delà du peu
qu'elle est»47
.
B - Les pactes rejetés par la règle de minimis
226 L'ombre de l'objet concurrentiel. - Pendant longtemps, on a pu croire en doctrine que
tous les petits accords, et donc tous les petits pactes, devaient se voir appliquer la
doctrine de minimis48
. Il faut dire que rares furent les cas où la Commission décida
d'ouvrir une procédure contentieuse à l'encontre de restrictions pourtant caractérisées
respectivement adoptées en 1970, 1986, 1997 puis 2001. Sur cet historique : v. A. SCORDAMAGLIA-TOUSIS, « New De
Minimis Communication: " De minimis " and " By Object " Restrictions of Competition Law », 5 Journal of European
Competition Law & Practice 698 (2014).
(39) G. CORNU, Introduction au droit, 13e
éd., Paris, Montchrestien, 2007, nº 201.
(40) J. RIVERO, « Fictions et présomptions en droit public français », in Les présomptions et les fictions en droit (études
publiées par C. Perelman et P. Foriers), Bruylant, Bruxelles, 1974, p. 107, spéc. p. 111.
(41) N. PETIT, Droit européen de la concurrence, 2e
éd., op. cit., nº 708.
(42) Communication de minimis, précit., § 8.
(43) Idem.
(44) Ibid.,§ 9 : « Dans le cas où il est difficile de déterminer s'il s'agit d'un accord entre concurrents ou d'un accord
entre non concurrents, c'est le seuil de 10% qui s'applique ».
(45) Sur la richesse de ce contentieux : v. not. R. AMARO et J.-F. LABORDE, La réparation des préjudices causés par les
pratiques anticoncurrentielles,2e
éd., Concurrences, Paris, 2020, 324 p.
(46) Cet ajout n'est pas de la plume du Doyen Carbonnier, mais de la nôtre. Que les lecteurs nous excusent de cette
hardiesse.
(47) J. CARBONNIER, « Vers le degré zéro du droit : de peu, de tout et de rien », in Flexible droit, op. cit., p. 84, spéc. p. 85.
(48) V. par ex. : R. WHISH, Competition Law,4e
éd., Butterworths, Londres,2001, p. 107.
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la comble
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