Les Intégrales - Volume 21 - Les pactes d'affaires - 1re - 325

Cha p i t r e 1 - Le s pa c t e s i nt e r na t i o na u x de l a sphè r e é c o nomi que
sociétés qui, nous l'avons vu, sont exclues du champ d'application du règlement
Rome121
. En pareille hypothèse, la solution qui s'impose consiste à laisser prévaloir la
lex societatis. La loi applicable au pacte alors désignée ne sera pas nécessairement la
même. Il convient alors de recourir à la règle de conflit unilatérale en matière sociétaire
figurant à l'article L. 210-3 du Code de commerce et insérée à droit constant à
l'article 1837, alinéa 1er
du Code civil22
. Celle-ci ayant été bilatéralisée par la
jurisprudence, la solution consiste à désigner comme loi applicable à la société, la loi
du lieu de son siège social. Mais encore faut-il bien délimiter le domaine de la lex
societatis et bien l'articuler avec d'autres lois comme la lex contractus.
378 Délimitation des domaines respectifs de la lex contractus et de la lex societatis. - La
démarche la plus appropriée consiste à identifier en présence d'un pacte d'actionnaires,
les questions qui dépassent les relations contractuelles et celles qui relèvent du domaine
sociétaire. En réalité le partage s'opère en fonction des effets que l'on veut attribuer à
l'acte concerné : dès lors qu'il s'agit de modifier l'organisation de la société elle-même,
la lex contractus n'est pas applicable et seule la lex societatis doit s'imposer23
.Il en va
probablement ainsi lorsque le pacte comprend des clauses d'agrément ou de sortie d'un
associé. On rappellera à cet égard qu'il est de longue date acquis que la lex societatis
« seule détermine, quel que soit le pays où les titres sont détenus, les conditions dans
lesquelles s'acquiert, se conserve et se perd la qualité d'actionnaire »24
. Cette même loi
s'imposera ainsi lorsqu'il sera question de déterminer si un associé est en droit de céder
ses parts à un tiers avec ou sans l'accord des autres associés25
. Cette solution vaut aussi
dans le cas où l'accord extrastatutaire vise à modifier la répartition des pouvoirs au sein
de la société. En somme, la lex societatis prévaut dès lors qu'il s'agit d'effets modificatifs
du pacte sur la charte sociétaire. En revanche, la lex contractus s'impose lorsque seront
uniquement en cause les rapports personnels des parties et qu'il s'agit d'une question
purement contractuelle comme par exemple un vice du consentement ou une rupture
des pourparlers. Ainsi, à l'instar de tous les actes émaillant la vie de la société, « la lex
societatis et la lex contractus se voient obligées de coexister »26
.
SECTION 2
Les joint-ventures
379 Une figure contractuelle originale. - Création spontanée de la pratique, la « jointventure
» constitue en quelque sorte un regroupement contractuel soit entre sociétés,
soit entre entreprises et un État, instituant entre ces parties une coopération afin de
réaliser une opération ponctuelle ou un peu plus durable qui bien souvent est un projet
de grande ampleur sur le plan matériel, financier ou encore technologique27
figure originale également dénommée « entreprise conjointe »28
. Cette
ou « entreprise
commune » n'a ni de nature, ni de régime spécifique. C'est pourquoi celle-ci est délicate
à définir. On peut cependant considérer qu'il s'agit en général d'un montage contractuel
destiné à concevoir et mettre en place une entreprise commune, celui-ci pouvant prendre
(21) Règl. Rome1, art. 1, § 2.
(22) Aux termes de cette disposition : « Toute société dont le siège social est situé sur le territoire français est soumise
aux dispositions de la loi française ».
(23) V. en ce sens X. BOUCOBZA, L'acquisition internationale de sociétés, LGDJ, 1998, préf. F. Fouchard, nº 463, p. 244.
(24) Cass. 1re
note H. Batiffol ; JDI1973, p. 716, note B. Oppetit.
(25) V. en ce sens les conclusions de l'avocat général H. Saugmandsgaard Øe présentées le 5 sept. 2019 dans le cadre
de l'affaire VKI c/TVP (CJUE, 3 oct. 2019, aff. C-272/18), nº 49-50, note 28.
(26) B. HAFTEL, La notion de matière contractuelle en droit international privé, Thèse Paris II, 2008, p. 412.
(27) Sur les joint-ventures v. notamment L. O. BAPTISTA,P. DURAND-BARTHEZ, Les joint-ventures dans le commerce international,
Bruylant, Bruxelles, 2012 ; V. PIRONON, Les joint-ventures. Contribution à l'étude juridique d'un instrument
de coopération internationale, Dalloz, 2004, préf. Ph. Fouchard.
(28) Pour une définition de l'entreprise conjointe v. K. LANGEFELD-WIRTH, Les joint-ventures internationales : pratiques et
techniques contractuelles des coentreprises internationales, GLN Joly, 1992, p. 21 et s.
325
civ., 17 oct. 1972, nº 70-13817, Bull. civ. I, nº 204 ; Rev. soc. 1974, p. 127 ; Rev. crit. DIP1973, p. 520,
http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=70-13817
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