Systèmes - Connaître la dette publique - 135

Inscrire la dette dans le droit, inscrire l'État dans la durée
ancien Président de la Cour internationale de Justice a pu affirmer
que la dette est « une notion que les auteurs évitent généralement
de définir parce qu'ils en jugent la définition comme allant de
soi »11
... car il n'est guère aisé de définir avec les outils du droit
une notion extérieure au champ juridique.
Pourtant, même si c'est sous l'angle de l'emprunt public12
la rente13
qu'il convient d'envisager son régime juridique14
et de
, considérer
la dette comme la conséquence politique, économique et financière
d'un acte juridique d'engagement liant l'État à ses créanciers
n'empêche en rien de la saisir juridiquement, en examinant à la fois
l'acte qui vise à la faire entrer dans la sphère juridique et ses conséquences,
elles aussi juridiques. En effet, en droit, l'inscription est
« la formalité permettant la publicité de certains actes par une mention
sur un registre officiel »15
, la dette inscrite désignant la « dette
qui fait l'objet d'inscriptions sur le grand livre de la dette publique
(elle comprend la dette perpétuelle, la dette à long terme, la dette
à moyen terme et la dette viagère) »16
, par opposition à la dette à
court terme, « flottante ». Par cet acte juridique, inscrire la dette
c'est donc avant tout l'inscrire dans le droit et la doter par là de sa
force normative particulière. Comme le budget, saisi par le droit
lorsque son intégration dans la loi de finances confère une normativité
juridique à un projet économique et financier servant un objectif
politique, la dette se trouve incorporée par les finances publiques. La
technique juridique la tire ainsi des marécages sémantiques résultant
aussi bien de sa proximité conceptuelle avec le devoir que de
confusions définitionnelles entre dette, emprunt et obligation17
: sous
11. M. Bedjaoui, Neuvième rapport sur la succession dans les matières autres que les traités,
Commission du Droit International, 1977, cité in F. Bonneville, op. cit., p. 26.
12. Qui « revêt la forme juridique d'un contrat entre l'État et chacun des souscripteurs »
(G. Vedel, « Impôt et emprunt », Revue d'économie politique, 1947, p. 225).
13. Selon M. Hauriou, « les dettes publiques sont contractées par une opération qui, au point
de vue financier, s'appelle l'emprunt, mais qui au point de vue juridique est une constitution
de rente » (Précis de droit administratif et de droit public, Sirey, 6e
éd., 1907, p. 758).
14. F. Colly, « Le régime juridique des emprunts publics (emprunts du Trésor et instruments
divers) », in R. Hertzog (dir.), La dette publique en France, Economica, 1990, p. 295-332.
15. R. Cabrillac, Dictionnaire du vocabulaire juridique, LexisNexis, 2008.
16. G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 9e
éd., 2011, p. 340.
17. La définition prudente adoptée par Y. de Gaulle (« l'engagement de rembourser une
somme d'argent prêtée, cela à un certain moment et selon un prix, l'un et l'autre convenus
à l'avance ») peut ainsi renvoyer à l'emprunt comme au devoir (« La dette de l'État :
définitions critiques », in La Dette publique en France, op. cit.,p. 125‐144).
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