Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 23

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L'ÉCRITURE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875

l'on prend le cas de la Constitution Grévy34. Outre cette discordance entre les
textes de 1875 et la pratique qui prévaut dès la fin des années 1870 et dure jusqu'en
1940, il apparaît que le peu d'intérêt pour l'adoption des lois de 1875 résulte d'un
double facteur : l'appréciation politique de ce long processus d'écriture et la difficulté conceptuelle pour la doctrine juridique française à analyser les actes préconstituants des assemblées constituantes, dont l'influence est pourtant capitale
entre 1871 et 1875.
4.  D'une part, donc, il semble que les circonstances politiques bien connues
qui ont difficilement abouti à l'adoption des lois constitutionnelles de 1875, que
les analyses peu flatteuses qu'ont très rapidement pu faire les auteurs de ces lois
eux-mêmes ainsi que la tonalité des débats constitutionnels les plus connus de la
période ont conditionné, à bien des égards, l'intérêt des juristes pour le processus
d'écriture. Dès avril 1875, dans son célèbre discours de Belleville, Gambetta donne
déjà les raisons de ne plus s'y intéresser : « [o]n a fait une Constitution, on ne l'a
pas beaucoup discutée. On a organisé des pouvoirs, on ne les a pas très minutieusement et, si je puis le dire, on ne les a pas très analytiquement examinés et coordonnés. On a été vite, et cependant savez-vous ce qui est arrivé ? C'est que l'œuvre
vaut mieux, peut-être, que les circonstances qui l'ont produite »35. Il en va de
même pour l'observateur républicain Léonce Ribert dans une étude des deux lois
constitutionnelles de février 1875 publiée peu de temps après leur adoption qui,
après avoir sévèrement critiqué l'œuvre de l'Assemblée de 187136, estime que
« -[t] elle qu'elle est pourtant, avec tous les vices dont elle peut paraître entachée, la
Constitution de 1875 a un mérite capital, celui d'exister »37 et que la « question
actuelle ne porte pas sur sa réforme mais sur son usage, et, en attendant qu'on
appliqué. C'est seulement si l'interprétation hors du cadre constitutionnel est par suite formalisée dans
le texte du fait de l'avènement d'une révision constitutionnelle qu'elle pourra être prise en compte en
tant que norme du système » (op. cit., p. 268-269).
34. Ibid. p. 269. Elle ajoute plus loin que « [l]es discours hostiles à l'idée même de changement
constitutionnel informel présupposent une certaine conception de la constitution basée sur le critère
formel », ce qui favorise une approche qui « tend à se fermer sur elle-même » (ibid. p. 286).
35. Discours de Belleville, 23 avril 1875 (GAMBETTA Léon, Discours et plaidoyers politiques,
publiés par Joseph REINACH, éd. complète, 11 vol., Paris, G. Charpentier, 1880-1885, IV, p. 308). Il
en va de même pour Louis Blanc quelques années plus tard qui s'interroge sur ce qu'il reste « de la
politique qui a conduit au vote des lois constitutionnelles ? [...] une Constitution dans laquelle la
République est chargée de liens que la prochaine Assemblée sera impuissante à dénouer »
(BLANC Louis, Histoire de la constitution du 25 février 1875, Paris, Charpentier, 1882, p. 241-242) ou
encore un régime précaire qui n'a « rien d'une véritable République » (ibid. p.  244). « Un coup de
sagaie a fait de l'Empire un héritage sans héritier. Mais qu'est-ce qu'une Constitution dont la durée
possible dépend d'un coup de sagaie ? » affirme-t-il encore (ibid.).
36. « La Constitution de 1875 ne se recommande pas par son origine : elle est l'œuvre d'une
assemblée qui ne paraissait pas faite pour le rôle qu'elle s'est attribué de donner à la France des
institutions politiques. Aussi porte-elle l'empreinte des efforts mal dirigés qui ont présidé à son
enfantement. On chercherait en vain la méthode suivie pas ses auteurs : ils n'en ont suivi aucune [...].
Chaque ressort du mécanisme politique sorti de leurs mains a reçu sa forme propre, non pour sa valeur
intrinsèque ou la commodité de son adaptation, mais uniquement parce qu'ainsi fait il se trouvait de
nature à satisfaire un Pouvoir Exécutif engagé à fond dans l'élaboration constitutionnelle, et en même
temps à réunir les éléments d'une fragile majorité dans l'assemblée la plus inconsistance peut-être
qu'on ait jamais vue.  [...] Notre quatrième constituante n'a pu échapper à l'impuissance qu'en
façonnant à grand' peine cette construction d'ordre composite que nous avons sous les yeux et qui,
malgré le titre de république, n'est pas faite pour nous inspirer, à nous républicains, le moindre
enthousiasme » (RIBERT Léonce, Esprit de la constitution du 25 février 1875, Paris, Librairie GermerBaillère, 1875, p. I-II).
37. Ibid. p. II.

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