Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 157 - La construction constitutionnelle du politique en Afrique subsaharienne francophone - 20

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La construction constitutionneLLe du poLitique
en afrique subsaharienne francophone
et de lui donner une cohérence qui n'est vraie que dans le monde des idées19
. Le
constat empirique qui s'impose à tout observateur est que partout où il y a des
êtres humains, ils vivent en société.
14. La société est le cadre dans lequel les hommes s'inscrivent d'emblée à
leur naissance et ils ne la quittent que par la sentence d'un autre fait naturel aux
êtres vivants : la mort. Dans ce sens, la société est une condition existentielle de
l'humanité. Sans société, l'homme cesse d'être. La première forme d'expression de
la société, à savoir la famille20
, vient étayer cette assertion. Ainsi, il apparaît que la
société est consubstantielle à l'humanité. Il n'existe pas d'humanité asociale. Or
l'homme est un être de nature. Par conséquent, il en ressort que la société est aussi
naturelle que l'humanité. La naturalité de la société tient son fondement de la
naturalité de l'humanité. La société, comme l'humanité, n'est pas un construit
mais une donnée naturelle.
15. À l'aune de ce qui précède, le phénomène social s'impose à l'observateur
comme un fait de nature. La vie en société suppose un ensemble de relations entre
les hommes. Parmi, les éléments qui structurent la vie sociale, il y en a qui lui sont
consubstantiels dont le politique.
2. L'homme, un être politique par nature
16. ARISTOTE affirmait par une phrase devenue célèbre que « l'homme
est un animal politique » (zoon politikon). Si l'on ne se fie qu'à la parole du père
de la science du politique, pas la discipline que l'on connaît aujourd'hui sous ce
nom, mais toutes les sciences sociales qui ont pour objet le politique comme la
science constitutionnelle, l'homme est par nature un être politique. Mais la
parole du père n'a pas la même valeur selon qu'on est dans la famille religieuse
ou dans la famille scientifique. Dans la première, elle est un dogme, intangible
et indiscutable tandis que dans la seconde elle est reçue comme une proposition,
peut-être vraie ou peut-être fausse, c'est-à-dire soumise à l'épreuve de la falsifiabilité
qui caractérise le discours scientifique21
. C'est ainsi que, dans le sillage du
bouillonnement scientifique du siècle des Lumières, la vérité aristotélicienne fut
remise en cause. En effet, au titre des grandes problématiques qui ont opposé les
penseurs des xviiie
et xixe siècles, toutes sciences sociales confondues, figure en
bonne place la controverse relative à la question de savoir si l'humain est-il ou
pas un être politique par nature.
17. Contrairement à ARISTOTE, certaines théories estiment que le rapport
entre l'humanité et le politique relève de l'ordre accidentel et non pas du
fait naturel. Humanité et politique seraient deux entités séparables. Le politique
serait une création artificielle des hommes et non pas une sécrétion naturelle de
leur vie en société.
19. Certains espéraient sans doute que l'anthropologie balbutiante du xixe
siècle qui entendait
définir « une histoire naturelle de l'homme », allait découvrir, sur la base de ses observations
empiriques, des êtres humains vivants à l'état de nature. Mais aucune des études réalisées sur les
sociétés dites primitives, c'est-à-dire principalement les peuples non-européens, considérées alors
comme le degré zéro de l'humanité, n'est venue jusqu'à ce jour, apporter la preuve de l'existence d'un
état asocial.
20. ROUSSEAU Jean-Jacques, Du contrat social ou Principe du droit politique [1762], Paris,
Bordas, 1985, p. 63 : « La plus ancienne de toutes les sociétés et la seule naturelle est celle de la famille ».
21. , POPPER Karl, La Logique de la découverte scientifique, trad. N. Thyssen-Rutten et
Ph. Deveaux, Paris, Coll. « Bibliothèque scientifique », Payot, 1978, pp. 36-38.

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