Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 157 - La construction constitutionnelle du politique en Afrique subsaharienne francophone - 484

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La construction constitutionneLLe du poLitique
en afrique subsaharienne francophone
gouvernements despotiques, se traduisit paradoxalement par la mise en place
d'un gouvernement autocratique. La colonisation n'était pas mue que par la seule
considération idéologique.
1171. En théorie, la logique de la mission civilisatrice qui prescrivait le remplacement
des structures sociales primitives des races inférieures par celles produites
par la civilisation européenne devait normalement se traduire, en ce qui
concerne le politique, par l'imposition du modèle constitutionnel des pays colonisateurs,
à savoir l'État-nation démocratique. Mais la réalité politique, c'est-à-dire
la colonisation d'exploitation, commandait toute autre chose. C'est la nature de
la colonisation appliquée qui définit les formes coloniales du politique. Autrement
dit, c'est la nature de colonisation poursuivie qui détermine les formes coloniales
du politique. À cet égard, la colonisation d'exploitation s'accommodait
parfaitement avec la forme étatique du pouvoir politique. La souveraineté est une
forme de puissance publique qui exclut toute autorité politique concurrente dans
sa sphère territoriale et humaine d'application interne. Donc pour les pays colonisateurs
européens, tous des États, l'affirmation de leur souveraineté leur permettait
de dénier toute autorité politique aux indigènes des colonies, levant ainsi
tout obstacle à l'exploitation des richesses telle qu'ils le souhaitaient. Selon de
droit international européen, l'annexion des territoires déclarés terra nullius,
entrainait un droit de souveraineté de l'État conquérant. Dans ses colonies d'annexion,
notamment en Afrique subsaharienne, la France, incarnation de l'État
unitaire et centralisé, ne pouvait tolérer, comme le disait le gouverneur général
Joost VAN VOLLENHOVEN, aucune autorité politique indigène d'aucune
sorte. La souveraineté française fut appliquée dans toute son exclusivité dans les
territoires coloniaux.
1172. Si l'État convenait à la colonisation d'exploitation comme forme de
commandement politique, il n'en était pas de même pour les autres formes du
politique. La nature de la colonisation d'exploitation rendait inapplicable l'intégration
des indigènes dans la nation française et leur association à l'exercice démocratique
du pouvoir politique. L'antagonisme était fondamental. En principe,
selon le droit international, de même que l'annexion entraine l'application de la
souveraineté de l'État conquérant, de même elle implique l'acquisition de la nationalité
du pays colonisateur par les populations autochtones du territoire conquis.
Cependant, ce principe du droit international posait un autre problème aux pays
européens, en particulier à la France. Faire des indigènes des nationaux français
emportait des droits de la citoyenneté. Autrement dit, le lien entre nationalité et
citoyenneté les aurait autorisés à participer à l'exercice de la souveraineté française
(représentation et vote). Or admettre les indigènes au vote et à la représentation
politique revenait à mettre terme à la colonisation. La majorité numérique était à
l'avantage des indigènes et la logique exclut que des individus votent des lois destinées
à exploiter leurs ressources naturelles au profit de la métropole. Dès lors, le
droit français reconnaîtra la nationalité française aux indigènes, à défaut de toute
autre qualité à leur reconnaître, mais amputera celle-ci de son contenu politique
essentiel à savoir la citoyenneté. Les indigènes des colonies françaises étaient des
nationaux mais non des citoyens français. L'idéologie de la mission civilisatrice fut
convoquée pour justifier la privation de la citoyenneté. Les indigènes étaient considérés
comme inaptes à bénéficier de la citoyenneté française parce qu'ils étaient
encore soumis à leurs lois et coutumes (statut civil indigène) incompatibles avec

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