Droit civil - Droit de la famille - 8e - 30

30
DROIT DE LA FAMILLE
l'éducation des enfants, la condition de la femme, l'homosexualité et le divorce
sont des questions qui, renouvelées aujourd'hui par une approche en termes de
« genre », suscitent débats, passion et militantisme.
23. Les mots et la famille. - Dans la famille, il y a, plus qu'ailleurs, un échange constant
entre les mots et le droit. Les modifications du langage juridique traduisent une évolution du
droit ; parfois elles sont une manière de ne rien changer : on se paye de mots ; à l'inverse, elles
peuvent masquer sous des termes bénins ou des euphémismes, une véritable révolution93
dépendent aussi de l'évolution du langage contemporain et de ses modes94
. Elles
.
Dans la famille contemporaine, il y a des changements, des disparitions et des créations d'institutions,
qu'exprime le langage. Par exemple, les « bâtards » ont disparu en 1790 et les « enfants naturels
» en 2005 ; dans le mariage, on ne parle plus de « cohabitation » entre époux, mais de « communautédevie
» ; dans le divorce, plus de « pension alimentaire », mais de « prestation
compensatoire » ; dans les rapports entre parents et enfants, plus de « puissance paternelle », mais
d'« autorité parentale ». On ne parle plus de concubin ou de concubine, mais de compagne ou de
compagnon, d'ami(e) (parfois « petit(e) »), de « copain » ou de « copine », de partenaire (ce qui évite
les questions de genre), ou, plus technocratiquement, de personne à charge ou vivant «maritalement
»au foyer. On neparle plus guèredemorale, mais d'éthique. Sémantiquement, la morale et
l'éthique sont pourtant la même chose : l'une est latine, l'autre grecque. Mais il y a de grandes différences
: par exemple, celle-ci : la morale commande, elle est un impératif catégorique : elle ordonne
sans condition ; l'éthique recommande et est fondée sur l'utilitarisme, variable par définition, un
compromis entre la morale et l'intérêt ; comme le disent brutalement les Américains : Ethics pay95
Parfois, on se paye de mots. Souvent aussi, le langage juridique de la famille suit les modes de
.
la langue contemporaine : l'euphémisme, le contre-mot, le pédantisme, le sexisme et surtout le
verbalisme.
Afin de lénifier les réalités par la douceur des mots, on use d'euphémismes, espérant, peut-être,
faire naître une idéologie nouvelle96
bitation (juvénile, oubliant la cohabitation sénile, moins brillante)97
. Par exemple, on ne parle plus de... concubinage, mais de coha...,
plus d'avortement, mais d'interruption
volontaire de grossesse, ou même (de façon quasi abstraite, par la magie de l'acronyme),
d'IVG..., d'assistance médicale à la procréation (AMP), plutôt que de procréation artificielle, de gestation
pour autrui (GPA) et non de mère porteuse... Demain, on parlera peut-être de cessation anticipée
du mariage plutôt que de divorce98
même s'il n'existait ni mariage, ni aucune famille pour accueillir l'enfant : le mot ne signifiait plus
rien99
.À l'extrême, on parvient au contre-mot100
.
93. V. pour le mariage entre personnes de même sexe : le « mariage pour tous » en France, le
« matrimonio igualitario » en Argentine, etc.
94. L. LEVENEUR, « Le choix des mots en droit des personnes et de la famille », in Les mots de la loi,
N.MOLFESSIS (ss. dir.), Economica, 1999, p. 11 s. ; A.-M. LEROYER, « Langage du droit et terminologie
juridique », in Regards sur le droit, Fr. TERRÉ (dir.), Dalloz, 2010, 27 et s. ; ex : « Cette évolution vers
plus de liberté rejaillit sur le vocabulaire, car on aborde de plus en plus couramment le droit de la
famille à travers l'idée de lien. Les institutions familiales en sont fragilisées, car, d'évidence, un lien
peut être rompu : le " mariage " devient le " lien conjugal " ,la " filiation " devient le " lien parental " et
la " succession légale " ,le " lien successoral " ».
95. A. ETCHEGOYEN, La valse des éthiques, F. Bourin, 1991.
96. J.-L. SOURIOUX et P. LERAT,« L'euphémisme dans la législation récente », D. 1983, chron. p. 221.
97. Infra,no
231.
98. V. l'ironie de J. CARBONNIER, préf. à J. MASSIP, La réforme du divorce, éd. Defrénois, 3e
1054.
éd., 1986,
p. 6 : « Il y a des mots qui font mal ; pour ôter l'effet de stigmatisation, ne parlez plus de divorce, mais
de cessation anticipée de mariage ; plus d'époux divorcés, des diezeugmènes. »
99. Infra,no
100. Le contre-mot était une image deGeorgeOrwell dans son roman de fiction politique 1984 (1948) ;
ex. : le ministèredelaguerres'appelle le ministère de la paix ; le ministère du rationnement s'appelle le
ministèredel'abondance ; le ministère de la police s'appelle le ministère de l'amour ; la guerre, c'est la
paix, etc. V. aussi les sorcières de Macbeth : « Fair is foul and foul is fair. » On en trouve des illustrations
dans la législation contemporaine de la famille ; ex. : la loi Veil du 17 janvier 1975 sur l'interruption volontairedegrossesse
(l'avortement) commence par une profession de foi, aux antipodes de ce qu'elle décide :
art. I. « La loi garantit (sic) le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. »
. On parlait naguère de « légitimation » par autorité de justice,
Droit civil - Droit de la famille - 8e

Table des matières de la publication Droit civil - Droit de la famille - 8e
