Droit civil - Droit de la famille - 8e - 478

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DROIT DE LA FAMILLE
715. Vérité et certitude scientifique. - Le droit peut désormais se construire sur
des certitudes, celles de la science. Les fictions et les présomptions perdent de
leur importance et, surtout, de leur intelligibilité lorsqu'elles contredisent la
science. Le mariage lui-même, par une sorte d'effet réflexe, perd une partie de
sa valeur sociale : dès lors que le biologique l'emporte, la présomption de paternité
n'est plus qu'une présomption parmi d'autres, un mode d'établissement de la
filiation comme un autre. Pourquoi continuer à construire le droit de la filiation
sur le mariage si la vérité, et non plus la vraisemblance, est accessible ? En ce
sens, l'accès à la vérité biologique a contribué à l'indifférenciation des filiations
consacrée en 2005.
716. Un nouveau visage de la vérité ? - L'impact de l'accès à la vérité biologique
sur le droit de la filiation est d'autant plus grand que les mentalités ont évolué,
parallèlement, à l'égard du mariage et de la filiation. Naguère, l'enfant sans
père était un paria. Sa situation était pire s'il naissait d'un adultère. Mieux valait
une filiation fictive que pas de filiation du tout. L'intérêt de l'enfant rejoignait ainsi
celui de la société. Aujourd'hui, la société accepte non seulement les enfants nés
hors mariage, fût-ce d'un adultère, mais aussi les enfants sans filiation paternelle.
Bien plus, l'idée de maintenir contre le gré des intéressés une filiation mensongère
- si du moins elle n'est pas vécue, i.e. en l'absence de possession d'état - paraît
insupportable : mieux vaut la détruire, même si l'on débouche sur un vide de filiation.
Alors qu'auparavant l'intérêt de l'enfant était qu'il eût un père, il semble être
aujourd'hui d'avoir son vrai père, au sens biologique, et à défaut, ou en attendant,
de ne pas avoir de père du tout. Intérêt de l'enfant contre ordre social, respect de
l'identité individuelle contre statut juridique, et, au besoin, droit de connaître ses
origines contre respect de la paix des familles, tout se liguerait-il pour assurer le
triomphe de la vérité biologique ?
La CEDH s'en mêle, qui affirme que le droit de mener une vie familiale normale implique un
minimum de respect de la vérité biologique (arrêt Gaskin, 7 juillet 1984141
), et, dans l'arrêt Kroon
c. Pays-Bas, du 27 octobre 1994142
, que « le respect de la vie familiale exige que la réalité biologique
et sociale prévale sur une présomption légale heurtant de front tant les faits établis que les
vœux des personnes concernées, sans réellement profiter à personne ». Dans l'arrêt Mizzi
c. Malte143
, elle va jusqu'à poser en principe (?) qu'« une situation dans laquelle une présomption
légale peut prévaloir sur la réalité biologique ne saurait être compatible avec l'obligation de
garantir le " respect " effectif de la vie privée et familiale »144
.
Vérité biologique et droits fondamentaux se prêteraient-ils main-forte ? La réponse à la queset
elle a déclaré à de multiples reprises ne pas être convaincue que la seule
. Elle prend en compte l'ensemble des droits et intérêts en prétion
est plus nuancée. D'une part, la Cour n'attache pas à la réalité biologique en elle-même des
effets absolus145
existence d'un lien biologique emporte la protection de l'article 8 en l'absence de relations personnelles
entre les intéressés146
sence : aussi importante soit-elle au regard du droit au respect de son identité, la réalité
141. Préc.
142. Adde * Paulik c. Slovaquie, 10 octobre 2006, Novotny c. République tchèque, 7 juin 2018.
143. Infra,no
1029.
144. Ib.
145. Dans un obiter dictum de l'arrêt 1er
juin 2004, Lebbink c. Pays-Bas,no 45582/99, la Cour
affirme « qu'elle ne partage pas l'avis du requérant selon lequel une simple parenté biologique dépourvue
de tous éléments juridiques ou factuels indiquant l'existence d'une relation personnelle étroite doit
être considérée comme suffisante pour entraîner la protection de l'article 8 ».
146. V. par ex. les arrêts Toth c. Hongrie, 12 février 2013 (no
31 mai 2018 (no 28475) ou Frölich c. Allemagne, 26 juillet 2018 (no
48494/06), Bagniewski c. Pologne,
16112), préc.
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