Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 103

Bertrand Maumont
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et non du droit positif. Ainsi, en remettant en cause les concepts de souveraineté
de l'État, de sujet de droit et de droit subjectif, il rejette en dehors du droit positif
des concepts de nature à asseoir la distinction entre droit privé et droit public.
De même, en considérant que la volonté est toujours la même quelle que soit la
qualité de la personne qui l'exprime, il exclut de voir en elle un quelconque critère
de distinction entre les actes des gouvernants et ceux des simples particuliers54
.
Bonnecase, au contraire, est attaché aux notions fondamentales du droit privé
et défend en ces termes la thèse de la dualité : « La théorie de l'acte juridique et du
fait juridique est pour une grande part une question de technique juridique. Or,
ce problème se ressent nécessairement de ce qu'aussi bien l'objet que les sujets des
rapports de droit sont différents en droit public et en droit privé. Par la force même
des choses et sous réserve d'un fonds commun de directives générales, on ne peut
pas leur appliquer un système technique identique »55
. Par « système technique » on
peut entendre, tout d'abord, la réglementation applicable. Il ne fait pas de doute,
en effet, que les actes législatifs et administratifs ne sont pas soumis, comme les
actes de droit privé, aux règles du Code civil. Néanmoins, on peut rechercher
l'application à ces différentes catégories d'actes juridiques d'un fonds commun
de directives dont, précisément, une théorie générale pourrait rendre compte, à
l'exemple de celle de Duguit. Il faut donc aller plus loin : si Bonnecase rejette toute
idée d'unité, c'est plus fondamentalement pour des raisons d'ordre conceptuel.
L'acte juridique de droit privé n'est pas, selon lui, un acte créateur de droit ; il est
assujetti à la loi dont il ne fait que déclencher l'application56
. En conséquence,
il ne peut pas être mis sur le même plan que l'acte législatif dont la fonction, au
contraire, est de créer des règles nouvelles. Ceci paraît bien expliquer, en somme,
l'obstacle à l'application d'un « système technique identique ».
Au- delà des arguments techniques invoqués, d'autres raisons poussent probablement
Bonnecase à cloisonner les théories. Ainsi s'exprimait- il à propos des discussions
sur la nature des conventions collectives de travail : « les auteurs de droit public et
les économistes, dans leur ardeur combative contre le droit civil, n'avaient eu garde
de perdre une si belle occasion de tenter d'enlever à notre science une notion et
une institution qui lui appartienne légitiment »57
. Bonnecase se place donc aussi en
défenseur du droit civil face aux ambitions expansionnistes de la doctrine publiciste.
54. Ibid., § 60, p. 534.
55. J. Bonnecase, Suppl., t. 2, op. cit., n° 267, p. 208.
56. J. Bonnecase, Introduction à l'étude du droit, op. cit., n° 138 : « l'acte juridique n'est pas en lui- même
générateur d'effets de droit ». Comp. Ibid, n° 88 : la loi est une « règle de droit directement émanée du
pouvoir législatif ».
57. Cité par Y. Ferkane, L'accord collectif de travail, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque de Thèses,
2017, n° 62.

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