Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 116

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L'acte et le fait juridiques chez Bonnecase
En réalité, l'idée défendue repose sur une conception étroite des fonctions de
la loi. Bonnecase ne voit dans la loi qu'une cause génératrice de droit et d'obligations,
alors que les partisans de la théorie dualiste des sources de l'obligation lui
assignent au moins deux rôles différents. Ceci a été parfaitement mis en évidence
par François Chénedé, commentant les écrits de Toullier158
. S'agissant des obligations
extracontractuelles, la loi a une fonction « prescriptive », elle commande,
s'impose sans considération pour la volonté des sujets, et constitue bien en ce sens
une cause génératrice, source de droits et d'obligations au sens strict. En matière
contractuelle, en revanche, on peut prêter à la loi une fonction « permissive »,
ne serait- ce que parce qu'elle offre au sujet le choix d'agir ou de ne pas agir. La
volonté peut bien alors faire figure de source concurrente. Au contraire, le fait
de considérer la loi comme la « source suprême » des obligations de tous types,
revient à lui assigner une unique fonction de nature prescriptive, ce qui conduit à
des solutions sans nuances. Bonnecase considère ainsi que tous les actes juridiques
sont des « actes- conditions » au sens de la terminologie Duguiste, puisqu'ils ne font
toujours que déclencher l'application de la loi159
. Pourtant, ce qui caractérise les
actes- conditions dans la pensée de Duguit, c'est certes le rôle limité de la volonté
mais c'est aussi, en contrepoint, la place exceptionnelle de la loi en comparaison
des « actes subjectifs »160
siècle161
.
. Pour ces raisons il apparaît que la conception défendue
par Bonnecase n'apporte rien à la question de l'articulation entre la volonté et
l'ordre public, réflexion qui pourtant retiendra l'attention de la doctrine civiliste
du xxe
En définitive, Bonnecase a certes révélé l'ubiquité de la loi, mais de sa pensée
ressort également l'idée d'uniformité de la loi, ce qui ne permet pas de rendre
compte, sur un plan technique, de la différence fondamentale entre un sujet qui
recherche la réaction du droit et exerce pour cela ses droits subjectifs (acte juridique)
et celui qui ne fait que subir les effets de droit découlant d'une situation
qu'il n'a pas cherché à créer (fait juridique). La dimension subjective de l'acte
juridique est, pour l'essentiel, reléguée dans le domaine de la science.
158. F. Chénedé, « Charles Toullier, Les sources de l'obligation », RDC 2010, n° 3, p. 1015.
159. J. Bonnecase, Suppl., t. II, op. cit., n° 450.
160. V. L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, op. cit., § 32.
161. V. pourtant J. Bonnecase, Suppl., t. II, op. cit., pp. 372-375 qui cite longuement les développements
de Baudry- Lacantinerie et Binet portant sur le rôle spécifique de la loi dans le domaine des
actes extrapatrimoniaux, ou encore les analyses de Colin et Capitant sur la limitation du domaine de
la volonté face aux dispositions d'ordre public touchant à l'intérêt général mais aussi aux intérêts privés
dans un but de protection.

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