Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 118

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L'acte et le fait juridiques chez Bonnecase
En réalité, si Bonnecase critique Demogue c'est parce que la réponse donnée
aux fondements du droit est indépendante de la manière de concevoir techniquement
le mécanisme de l'acte juridique et du fait juridique. Autrement dit, il
conçoit une théorie générale mettant entre parenthèses les données métajuridiques,
philosophiques ou sociologiques, pour s'en tenir à une approche formelle du droit
positif168
. À propos de l'acte juridique et du fait juridique, il explique : « nous
constatons simplement que la loi entre en application au profit ou à l'encontre
des divers intéressés par le moyen des actes juridiques et des faits juridiques.
C'est en ce sens seulement que les obligations, qu'elles dérivent d'actes juridiques
ou de faits juridiques, nous ont paru trouver leur origine dans la loi, érigée en
source suprême des obligations »169
. La fonction immédiate de l'acte juridique et
du fait juridique se trouve justifiée par ce seul constat. Les explications données
par Demogue n'apportent rien sur un plan purement technique : « il est évident
que l'on ne conçoit pas la vie sociale sans l'existence d'une règle de droit venant
sanctionner les manifestations de volonté par lesquelles se traduisent un certain
nombre de rapports sociaux, mais cela c'est la philosophie du droit ou la sociologie
qui l'établit ; le droit positif le considère comme une vérité acquise »170
.
Mais, une nouvelle fois, l'idée exprimée par Bonnecase n'est pas nouvelle. Il
n'en fait d'ailleurs pas mystère et reconnaît que d'autres avant lui ont exprimé le
même point de vue sans recourir à la distinction de la science et de la technique.
Ainsi reprend- il pour son compte la controverse suscitée par Toullier au sujet des
sources d'obligations. Toullier, en effet, s'était attiré les foudres de Jourdan et de
Demolombe en écrivant dans son traité de droit des obligations que les obligations,
du moins les obligations extracontractuelles171
, procédaient de la loi. Il lui
avait été reproché de faire dépendre ainsi l'obligation de l'arbitraire du législateur.
Toullier avait donc dû s'expliquer : dire que l'obligation vient de la loi n'empêche
pas de rechercher plus en amont ce qui justifie la règle de droit qui fonde lesdites
obligations. Il y a là deux terrains d'analyse différents mais néanmoins liés en
raison de « l'alliance nécessaire et réelle entre le droit naturel et le droit civil »172
.
Autrement dit, il convient de distinguer la source de l'obligation de ce que François
168. V. A. Viala, Philosophie du droit, Ellipses, 2020, n° 30, à propos du « triomphe du formalisme
juridique » et l'influence sur la doctrine française du Pandectisme en Allemagne et de l'Analytical jurisprudence
en Angleterre.
169. J. Bonnecase, Suppl., t. II, op. cit., n° 436, p. 530.
170. Ibid., n° 318, p. 368.
171. Visant initialement « toute obligation » même contractuelle dans son tome V, il s'est ravisé dans
le tome XI, pour finalement identifier deux sources, la loi et le contrat. Sur quoi v. F. Chénedé, op. cit.
172. Il explique : « les lois civiles, pour être justes, ne doivent être que la sanction et le développement
de cette loi éternelle qui est la même dans tous les temps, dans tous les lieux, et que Dieu a promulguée
par la droite raison » (cité par F. Chénedé, op. cit.).

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