Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 120

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L'acte et le fait juridiques chez Bonnecase
Du point de vue de la science ici entendue, il serait question des « effets de la
volonté une fois l'acte juridique ou le fait juridique apparus »180
. C'est sur ce plan
que Bonnecase situe la thèse de l'autonomie de la volonté. Et il reproche à Gounot
qui en fait une présentation instrumentalisée de prêter à la doctrine individualiste
une « conception stupide »181
du rôle de la volonté dans l'acte juridique, soit une
conception dans laquelle les effets de droit procèdent d'une volonté individuelle
qui impose sa loi à l'ordre juridique. Pour Bonnecase, il n'y a là qu'une caricature
de la doctrine individualiste, laquelle ne réduit pas l'homme à sa volonté et
n'aperçoit pas les individus isolés mais au travers de la vie sociale182
. Quant à la
conception sociale du droit que défend Gounot ou encore Demogue, Bonnecase
explique à maintes reprises tout le mal qu'il en pense et note ici : « M. Gounot
est décidément le prototype des défenseurs du " Droit social " . À parcourir ses
développements, on serait en droit de croire qu'il a fallu arriver jusqu'à eux pour
s'apercevoir que le droit était une discipline dont l'objet spécifique est de régir le
milieu social »183
.
Du point de vue de la technique juridique, il est uniquement question de la
« volonté intervenant dans la formation de l'acte juridique ou la réalisation du
fait juridique »185
, et qui a pour unique fonction de déclencher l'application de la loi187
. Conformément à la thèse positiviste, la volonté est envisagée
comme un simple fait, non comme une source créatrice de droit : un fait qualifié
tantôt d'acte juridique, tantôt de fait juridique suivant le but poursuivi par le
sujet186
.
Seulement, Bonnecase en vient à aborder, sur ce terrain, différents problèmes
qui relèvent davantage de la politique juridique188
, autrement dit de la science189
,
que de la technique juridique au sens strict. Il traite ainsi de la mesure dans
180. Ibid., n° 373, p. 530.
181. Ibid., n° 374, note p. 442.
182. Ibid., n° 434.
183. Ibid., n° 374, note p. 442.
184. Ibid., n° 435.
185. Ibid., n° 373.
186. Ibid., n° 319, p. 368.
187. V. déjà H. Kelsen, op. cit., p. 34, qui reproche à la théorie traditionnelle suivant laquelle la
convention, en tant qu'acte juridique, ne fait que déclencher l'application du droit, d'ignorer la fonction
créatrice de la convention prise comme acte créateur de normes.
188. Rappr. G. Wicker, thèse préc., n° 43, à propos du choix de politique juridique concernant la
prévalence de la volonté interne ou de la volonté déclarée ou encore l'étendue de la liberté contractuelle.
189. J. Bonnecase, Science du droit et romantisme : le conflit des conceptions juridiques en France de 1880
à l'heure actuelle, Sirey, 1928, n° 127.
. En somme, pour Bonnecase la teneur de la règle de droit importe
peu car c'est toujours la loi, qu'elle soit d'inspiration individualiste ou d'inspiration
sociale, qui donne sa puissance à la volonté184
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