Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 146

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Le droit objectif chez Duguit
intérêt ? Et si, effectivement, elle n'en présente aucun, pourquoi ? Serait- ce qu'il
en a toujours été ainsi, ou bien serait- ce parce que, derrière les mots, les réalités
ont changé et que la distinction ne renvoie finalement plus à grand- chose ? Ainsi,
Carbonnier écrivit lui aussi que « la notion de droit objectif étant vide de contenu
philosophique, elle paraît banale, de nos jours, à beaucoup de théoriciens de droit.
D'où la vogue d'autres vocables3
. » Si l'auteur a raison, ne serait- il pas possible de
sauver la distinction entre le droit objectif et les droits subjectifs en la vivifiant, en
examinant son contenu à nouveaux frais ? Ne serait- il pas pertinent de redonner
du lustre à une distinction connue de tous - nous le verrons - plutôt que de la
liquider purement et simplement ? Plus précisément, ne serait- il pas possible,
en recourant à la pensée de Léon Duguit (1859-1928)4
philosophique à la notion de droit objectif ?
, de donner un contenu
C'est à cette dernière question que nous voudrions répondre, ce qui nous
permettra d'apprécier en partie l'héritage laissé par l'auteur à la science juridique5
.
Nous pouvons ainsi constater que les écrits du maître bordelais, s'ils sont parfois
mentionnés, ne sont guère exploités par les introductions contemporaines au droit
qui recourent à la distinction entre le droit objectif et les droits subjectifs. Dans
cet ouvrage d'hommages, pour apprécier la diffusion à travers les générations des
idées de Duguit en théorie générale du droit, le choix a été fait de se concentrer
sur les introductions au droit6
. Et ce, pour deux raisons. D'une part, il est permis
de penser que la recherche, en droit, a notamment pour finalité l'enseignement et
donc qu'il est pertinent de voir comment une théorie, celle de Duguit, a pénétré,
ou non, dans les ouvrages destinés aux étudiants. D'autre part, les manuels ont une
diffusion plus large que les articles de revue ou les monographies et vont façonner,
à condition qu'ils soient lus ou servent d'inspiration à un cours, les esprits des
étudiants au moins pour leurs premières années de droit. Au regard de ces deux
générale au droit, 1re
éd., PUF, coll. Thémis, 2017, n° 186, p. 249 : le droit subjectif est toujours accordé
par le droit objectif mais le droit objectif n'engendre pas que des droits subjectifs, il peut donner naissance
à des institutions). Enfin, signalons un ouvrage qui comporte deux parties, le droit et les droits, mais ne
fait aucunement référence à la distinction droit objectif- droits subjectifs pour justifier cette partition :
B. Beignier, J.-R. Binet, A.-L. Thomat- Raynaud, Introduction au droit, 7e
éd., LGDJ, coll. Cours, 2020.
3. J. Carbonnier, op. cit., n° 105, p. 189.
4. Pour des éléments biographiques, voir notamment B. Pacteau, « Léon Duguit à Bordeaux, un doyen
dans sa ville », RDP 2010, p. 505 et s.
5. Pour un exercice du même genre, voir l'édition de 1932 des archives de philosophie du droit.
6. Adde. pour la réception du Traité de droit constitutionnel de Duguit dans différents milieux ou
différentes œuvres : A.-S. Chambost, « Réceptions critiques du Traité de droit constitutionnel », in
P. Charlot, N. Droin et D. Espagno- Abadie (dir.), Le Traité de droit constitutionnel de Léon Duguit,
Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie, coll. Colloques & Essais, 2020, p. 13 et s. ;
J.-J. Clère, « Éléments de recherche sur la réception de la doctrine duguiste parmi les privatistes (fin xixe
- milieu xxe
siècle) », ibid., p. 239 et s.
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