Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 148

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Le droit objectif chez Duguit
série de questions, à formuler des réflexions. En voici quelques- unes : « Je sais bien
reconnaître ou revendiquer un droit comme le mien, voir mon bien, mon dû,
donnée intense de ma possessivité naturelle. J'ai en moi, naturellement, d'ardentes
prétentions juridiques. Sais- je aussi reconnaître (je n'ai pas dit respecter) le droit
d'autrui, le bien d'autrui et peut- être ma dette envers lui, mon devoir, mes charges,
mes obligations ? Et au- dessus du tien et du mien, est- ce que je perçois une règle
- pour tous -, une règle objective qui protège ou contraint, permet ou interdit9
? »
Que penser de cette présentation classique de la distinction entre droit objectif
et droit subjectif ?
Vraie ou fausse opposition ? - Une première difficulté, sémantique, peut
être soulevée. Alors que les termes objectifs et subjectifs semblent renvoyer à une
opposition, il apparaît que le droit objectif et les droits subjectifs n'entretiennent
pas un rapport d'opposition dans l'exposition classique, mais plutôt un rapport
de complémentarité10
, de continuité, de réalisation. À tel point qu'en présence
d'un procès on peut se demander s'il s'agit de protéger le droit objectif ou les
droits subjectifs, ou les deux11
. Le juge qui impose l'exécution du contrat, protèget-il
la règle selon laquelle « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à
ceux qui les ont faits », règle de droit objectif prévue à l'article 1103 du Code
civil, ou bien protège- t-il surtout le contractant qui entend obtenir la prestation
due ? Certainement les deux. La combinaison des antonymes objectif- subjectif ne
renverrait donc pas, dans le monde juridique, à une opposition, à une antinomie.
Une opposition peut toutefois être trouvée si l'on estime que le droit subjectif
n'est pas conféré par le droit objectif mais est attaché à tout individu, à tout
justiciable. Le droit subjectif devient synonyme de droit naturel au sens du droit
naturel moderne, de droit fondamental, opposable à l'État. Ainsi en irait- il de la
propriété, érigée au rang de droit naturel imprescriptible par la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 178912
. Le droit subjectif pourrait permettre
d'opposer une résistance à une règle étatique lui portant atteinte. Les termes « droit
9. G. Cornu, Droit civil. Introduction au droit, 13e
éd., LGDJ, coll. Domat droit privé, 2007, n° 6,
p. 13. Le même auteur, plus loin (n° 112, p. 65), raillera l'expression de « droit au droit » et mobilisera
la distinction entre le droit objectif et le droit subjectif en renversant le rapport logique : « Que dire du
" droit au droit " qui court la galerie : un droit subjectif au droit objectif ? Ce n'est même pas certain (peutêtre
seulement un gargarisme sur un barbarisme). » Comp., sur le droit au droit, F. Terré, N. Molfessis,
Introduction générale au droit, 12e
éd., Dalloz, coll. Précis, 2020, n° 476, p. 585 et s.
10. Utilisant le terme de complémentaire, J.-L. Aubert, E. Savaux, Introduction au droit, 18e
coll. Sirey, 2021, n° 2, p. 2.
11. Cf. P. Deumier, Introduction générale au droit, 5e
éd., Dalloz,
éd., LGDJ, coll. Manuel, 2019, n° 86, p. 88 ;
G. Cornu, op. cit., n° 70, p. 45.
12. Article 2. Encore convient- il de relever que l'article 17 prévoit le régime de l'expropriation pour
cause de nécessité publique...
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