Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 156

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Le droit objectif chez Duguit
Appréciation des actes des individus. - Ces deux solidarités sont fondamentales
dans la pensée de Duguit. Tout le système juridique repose sur ces solidarités
qui dictent la raison d'être d'un groupement. Ajoutons que Duguit ne veut pas
distinguer l'intérêt collectif de l'intérêt individuel. L'homme est « par nature un
être social »37
d'opposer les intérêts de cet individu et du groupement auquel il appartient38
, un animal politique a pu écrire Aristote, et il n'y a donc pas lieu
. Une
autre distinction ne retient pas Duguit et aide à comprendre ce qu'il entend par
droit objectif, celle du droit et de la morale. En partant du fait que l'individu vit
en collectivité, la question devient celle de la règle de conduite et peu importe,
pour Duguit, qu'on cherche à qualifier cette règle de conduite de morale ou de
juridique39
. Duguit entend montrer que la collectivité vit avec des règles, règles
qui permettent d'apprécier la valeur d'un acte humain, acte qui est apprécié en
fonction du but qu'il poursuit. L'acte d'un individu méritera d'être respecté par
les autres s'il est conforme à la solidarité, par similitude ou par division du travail.
Citons- le à nouveau : « Un acte de volonté individuelle aura une valeur sociale
quand il sera déterminé par un but correspondant à la solidarité sociale, solidarité
par similitude ou solidarité par division du travail. Un acte de volonté individuelle,
déterminé par un tel but, s'impose à tous. Cela est en effet une conséquence nécessaire
et logique de la solidarité. L'homme n'est homme que par la solidarité, qui
l'unit à ses semblables ; l'homme ne peut vivre que par cette solidarité ; l'homme
ne peut arriver à diminuer la somme des souffrances qui l'oppressent que par cette
solidarité. Par suite, tout acte de volonté individuelle, qui tend à réaliser cette
solidarité, doit forcément s'imposer au respect de tout homme40
. »
Le droit objectif. - Arrivé à ce stade, tout est prêt pour poser la définition
du droit objectif. Le droit objectif est la règle qui permet de déterminer la valeur
sociale d'un acte. En d'autres termes, la règle de conduite qui permet d'évaluer la
conformité d'un acte aux deux solidarités est une règle de droit et il s'agit de droit
objectif car indépendant de la volonté de l'individu ou de sa qualité. L'appréciation
37. L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, op. cit., 3e
éd., 1927, préface de la 3e
éd., p. XIX.
38. Par exemple, voir p. 81 : « L'opposition de l'individuel et du collectif, si souvent invoquée, n'est
pas conforme à la réalité des choses. La vérité, c'est la fusion en un tout unique de l'individuel et du
collectif, et ce tout est l'homme même. » Adde. p. 266.
39. L. Duguit, p. 101 : « les controverses sans fin, qui s'élèvent depuis des siècles sur la limite de la
morale et du droit, nous paraissent vaines. [...] Logiquement, il n'y a pas de différence entre la morale
et le droit. » Cependant, Duguit montrera qu'il est possible de distinguer morale et droit, mais que cette
distinction est sans conséquence pour son propos.
40. L. Duguit, p. 84. Adde, p. 104 : « tout acte de coopération ou plus exactement tout acte émané
d'une volonté individuelle, déterminée par un but de coopération à la solidarité, a une valeur, que nous
pouvons qualifier de sociale, et cet acte s'impose alors au respect de tous. Notre règle ne nous donne donc
point un criterium pour apprécier la qualité intrinsèque de l'acte, mais un criterium pour déterminer
la valeur sociale d'un acte. S'il y a une différence entre le droit et la morale, elle ne peut être que là. »
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