Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 157

Guillaume Drouot
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des comportements est liée à un fait, objectif, la solidarité. Solidarité sociale, règle
de droit, droit objectif, tout est synonyme pour le maître bordelais41
. Le droit est
objectif parce qu'il ne part pas de l'individu mais de la collectivité et que le point
de départ est le fait, la réalité. Un passage chez Carbonnier aide à comprendre ce
sens du mot objectif : « Depuis les années 1980, deux phénomènes ont contribué
à pousser les droits subjectifs au premier plan : l'expansion de l'idéologie des droits
de l'homme, et au théâtre des sciences humaines, l'engouement pour la psychologie
aux dépens de la sociologie. Il s'en est suivi un changement dans la manière
de légiférer : le législateur aime partir d'un droit fondamental de l'individu plutôt
que d'une réalité objective parce que collective »42
.
Duguit prend alors le soin de répondre à une objection qui consisterait à en
faire un tenant du droit naturel. Selon cette objection, le droit objectif chez Duguit
ressemblerait au droit idéal que discernent, grâce à l'exercice de leur raison, les
jusnaturalistes. Voici le point de vue de l'auteur sur la question : « le droit objectif,
que doit constater la loi, n'est point ce droit idéal et immuable qui est à la base
de toutes les doctrines de droit naturel, mais le droit objectif tel que nous l'avons
défini ; c'est- à-dire un droit en perpétuelle évolution, résultant des formes continuellement
changeantes de la solidarité sociale, et constamment variables suivant
les temps et suivant les pays43
».
La règle de droit, le droit objectif se voit alors attribuer certains caractères,
trois pour être précis. La règle de droit est supérieure à la volonté des individus
(gouvernés comme gouvernants), générale et permanente. Générale « parce que,
fondée sur le lien social lui- même, elle concerne tous les individus unis en société
et atteint toutes les situations dans lesquelles ils peuvent se trouver » ; permanente
« pour les mêmes raisons [...] sauf les transformations correspondantes aux transformations
sociales44
». Insistons sur ce dernier point. Pour Duguit, la permanence
n'est pas la fixité marmoréenne. C'est la vocation, pour la règle de droit, à durer
tant que sa raison d'être existe. Ou pour le dire autrement, le fait que la règle « ne
41. La difficulté est alors de savoir ce qui est conforme ou non aux solidarités. On trouvera à cet égard un
passage stimulant sur le suffrage universel, p. 284, Duguit l'estimant contraire à l'égalité et à la solidarité
sociale. De même, le passage sur la peine de mort mérite d'être mentionné, p. 290, Duguit estimant que
cette sanction porte « atteinte au besoin primordial de tout être, le besoin d'existence ». Il ajoute : « le
maintien de la peine de mort [abolie par la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981] dans nos codes modernes
n'est qu'une survivance de l'idée primitive et barbare du talion. » Adde. L. Duguit, Les transformations
générales du droit privé depuis le Code Napoléon, Ed. La mémoire du droit, 2008 [1920], not. p. 38 et s.,
à propos du suicide, ou p. 42-43 à propos... des courses de taureaux.
42. J. Carbonnier, op. cit., n° 162, p. 313.
43. L. Duguit, p. 428.
44. L. Duguit, p. 402.
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