Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 165

Guillaume Drouot
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glissement opérer : de la définition de l'étudiant, du « bon » étudiant, il est possible
de tirer des devoirs75
.
Le droit objectif comme retour au droit naturel. - Passons sur cette discussion
qui dépasse de loin l'objet de notre propos76
. Le mot
. Il importe néanmoins d'en
retenir la conséquence suivante : le droit objectif chez Duguit, indépendant d'une
simple décision des gouvernants, est d'une grande proximité avec le droit naturel
antique, celui d'Aristote repris et baptisé par Saint Thomas d'Aquin77
objectif désigne la même chose que le terme naturel : le droit, le juste, ce qu'il
convient de faire, dépend d'une situation, d'une réalité, d'un « objet78
» et est
apprécié par rapport à une finalité (et non par rapport à une transcendance, à une
idée totalement idéale de justice ou encore d'une déduction de la raison spéculative).
Le critère du juste et de l'injuste ne dépend aucunement du libre arbitre d'un
individu mais d'une confrontation entre une situation concrète et une conception
de la normalité, de ce que doivent être les choses par rapport à leur finalité.
L'élaboration d'une règle ne dépend donc pas que d'un acte de volonté mais aussi
(et peut- être surtout) d'un acte de discernement, d'intelligence, d'entendement.
75. Comp. la réponse de Réglade à l'objection de Ripert, art. préc., p. 35.
76. Pour prolonger la réflexion : X. Dijon, « Le regard du jusnaturaliste : la nature humaine, source du
droit », Les sources du droit revisitées, vol. 4, Anthemis, Facultés universitaires Saint Louis, 2012, p. 809
et s., spéc. p. 839 et s. ; A. Sériaux, Le droit naturel, 2e
éd., PUF, coll. Que sais- je, 1999, p. 7 et s. ;
V. Descombes, Le raisonnement de l'ours, Seuil, coll. La couleur des idées, 2007, p. 371 et s. ; M. Villey,
La formation de la pensée juridique moderne, 2e
p. 190 et s. et p. 402 ; Ph. I. André- Vincent, « L'abstrait et le concret dans l'interprétation », Arch. phil.
dr., 1972, p. 135 et s.
77. Proximité qui ne dérangeait d'ailleurs pas Duguit, comme en témoigne sa réponse à la critique de
Gény. Cf. L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, préc., 3e
éd., 1927, p. 127. V. cep. égal. Les transformations
générales du droit privé depuis le code Napoléon, op. cit., p. 185 et s. (réponse à Hauriou). Adde.
sur la question du droit naturel et la pensée de Duguit, R. Saleilles, « École historique et droit naturel
d'après quelques ouvrages récents », RTD civ. 1902, p. 90-91 ; Ph. Raynaud, « Léon Duguit et le droit
naturel », Rev. hist. fac. dr. 1987, p. 169 et s. ; B. Noyer, « La doctrine du doyen Bonnard sur le droit
naturel », Rev. hist. fac. dr. 1987, p. 181 et s., spéc. p. 196 et s.
Ajoutons, en guise de digression sur le thème de la finalité et du but, l'anecdote racontée par Villey
siècle qui avait consacré tant de pages
(op. cit., p. 165) : « Parmi divers jugements relatifs à cette philosophie du droit [celle de saint Thomas
d'Aquin], je citerai l'avis de Ihering, ce célèbre positiviste du xixe
à prouver que le droit devait tendre, et tendait nécessairement aux buts, aux fins de l'espèce humaine,
lorsqu'un lecteur lui signala l'existence de la Somme théologique. Il lut la Somme, et il répondit : " Je
m'étonne qu'il fût possible que de telles vérités, après avoir été, tombassent totalement dans l'oubli dans
nos savoirs protestants. Quelles impasses ceux- ci auraient- ils pu s'épargner s'ils avaient pu les suivre.
Pour ma part, je n'aurais peut- être pas écrit mon livre si je les avais connues. " » Conclusion de Villey :
« Ihering était de la même espèce que saint Thomas, un universitaire honnête. » La découverte de Ihering
et son aveu sont également relatés par L. Le Fur, « Le fondement du droit dans la doctrine de Duguit »,
APD 1932, p. 187.
78. Étymologiquement, objectif vient de jacere, jeter et ob, devant. Le droit naturel part de la nature,
le droit objectif part de la réalité extérieure à l'observateur.
éd., PUF, coll. Quadrige manuels, 2013, p. 86 et s.,
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