Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 167

Guillaume Drouot
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organisation fantasmée mais justifiée rationnellement83
, et le droit des gens, règles
de droit international applicables en tout temps et en tout lieu. En revanche, les
partisans du droit naturel ne recourent nullement au contrat social puisqu'ils
voient dans l'homme un animal politique, qui fait l'expérience de la fratrie, de
la famille, de la cité. Chaque communauté génère alors les règles nécessaires (pas
forcément juridiques) pour cheminer vers sa perfection, vers son harmonie, son
bon ordre. Les partisans du droit naturel classique accordent également une place
prépondérante au juge, à la mécanique du procès et au débat contradictoire pour
trouver la solution ajustée au cas d'espèce84
.
Si tel est le droit objectif, et nous passons ainsi sur d'autres critiques comme
celle revenant à se demander si Duguit est cohérent dans sa démarche85
, nous sommes prêts à accepter l'idée que le droit subjectif dérive d'un
ou ses
résultats86
droit objectif, que le droit objectif ait cette vertu habilitante puisque l'existence
de nos droits subjectifs ne dépend plus du bon vouloir des gouvernants ou d'un
monarque, tous étant soumis à un juste objectif, à un droit naturel.
Persistance du droit subjectif. - Encore faut- il que cette connexion entre le
droit objectif/naturel et le droit subjectif soit réalisable. Est- il possible de garder
la théorie de Duguit, pour les éclaircissements qu'elle apporte dans la définition
du droit objectif, sans, pour autant, adhérer à sa critique des droits subjectifs ?
Est- il possible de faire coexister le droit objectif de Duguit et une présentation
classique des droits subjectifs ? La question se pose dans la mesure où l'on veut
conserver la notion de droit subjectif. Et, à dire vrai, on voit mal comment une
introduction au droit, ancrée dans un certain contexte, celui de son époque,
pourrait aujourd'hui se passer d'une telle notion. Les mots de Carbonnier, s'ils ne
sont pas une démonstration théorique, montrent le caractère inévitable des droits
83. Le droit naturel rationnel rejoint ici le volontarisme des nominalismes (pour lesquels la loi est un
pur acte de volonté, pas de raison ; un commandement). On peut y voir une filiation (ce qui semble
être l'approche de Villey) ou une simple influence (H. Batiffol, Problèmes de base de philosophie du droit,
LGDJ, 1979, éd. numérique 2015) ou, philosophiquement, deux frères ennemis inséparables (Servais
Pinkers, Les sources de la morale chrétienne, Academic Press Fribourg, 5e
éd., Cerf, 2012, p. 348). Le point
de rencontre des deux courants de pensée paraît s'effectuer à partir de l'état de nature, d'une hypothèse
(plus ou moins de travail) de néant juridique (H. Batiffol, op. cit.).
84. M. Villey, La formation de la pensée juridique moderne, préc., résume ainsi l'écart qui sépare le droit
naturel classique de ses déformations, notamment le droit rationnel stoïcien, proche du droit naturel
moderne : « 1°) Ce n'est plus de la nature extérieure que procède le droit, mais plutôt " de la nature de
l'homme " , entendons de sa raison ; par conséquent la raison se substitue à la nature comme source principale
du droit. 2°) Il en résulte que le droit (ou plutôt le juste) tiendra dans l'ensemble des lois posées
par l'esprit humain ; l'aboutissement du stoïcisme, en dépit des apparences, est un positivisme juridique. »
85. Voir not. Ph. Raynaud, « Léon Duguit et le droit naturel », Rev. hist. fac. dr. 1987, p. 169 et s.
86. L. Le Fur, art. préc. spéc. p. 196 et s.

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