Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 27

Benoît Joyeux et Bernard Saintourens
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manquer de résider dans la délimitation des prérogatives conférées par le droit »8
.
Une telle conception de la caractérisation d'un droit réel, par la prise en considération
des prérogatives qu'il confère sur une chose, avait déjà été retenue dans les
travaux menés sous l'égide de l'association Henri Capitant, puisque l'avant- projet
de réforme du droit des biens préconisait l'introduction dans le Code civil de droits
réels nouveau, reposant sur l'octroi d'un usage particulier du bien considéré au
profit du bénéficiaire de ce droit.
Outre la validation, a posteriori, de la pertinence des travaux de Jean Derruppé
à propos de la caractérisation de la nature d'un droit, en l'occurrence pour le
rattacher à la catégorie des droits réels, cette jurisprudence a conduit également à
placer le notariat, en quelque sorte, au centre de la mise en œuvre pratique du droit
réel de jouissance spéciale puisque l'efficacité d'un tel droit dépend directement
de sa publication au service de la publicité foncière, imposant, en conséquence, la
rédaction d'un acte authentique, selon les dispositions de l'article 710-1 du Code
civil. Comme cela a été opportunément illustré9
, le notariat retrouve, sur le chemin
de sa pratique professionnelle la plus actuelle, un instrument conventionnel qui
rejoint les réflexions menées, jadis, par Jean Derruppé. C'est bien parce qu'il
confère des prérogatives particulières relatives aux utilités d'un bien, répondant
ainsi au critère du droit réel, que le droit de jouissance spéciale permet de mettre
en place des solutions variées à des fins de gestion de patrimoine ou de protection
d'une personne10
, selon des modalités plus souples que celles qui résultent des
droits réels prédéfinis par le Code civil.
B. L'identification des meubles incorporels
Au sein de la délicate classification des biens, reposant sur la summa divisio entre
les immeubles et les meubles, le fonds de commerce était, et demeure, un objet
juridique difficilement identifié. Ne pouvant être rattaché ni à la catégorie des
immeubles ni à celle des biens corporels, le fonds de commerce devait, mécaniquement,
trouver sa place au sein des meubles incorporels. Jean Derruppé a employé
une large part de son talent à faire avancer la compréhension de ce bien aux
contours si singuliers. Son apport repose sur la caractérisation de l'élément central
qui contribue à lui donner son existence et sa valeur : la clientèle. Aujourd'hui
8. J. François, « Qu'est- ce qu'un droit réel de jouissance spéciale ? », D. 2019, p. 1660.
9. V. not. E. Colas, Le droit réel de jouissance spéciale : un outil sur mesure à la disposition du notaire,
Fiches Nota- Bene n° 963 et 964, éd. Cridon Sud- Ouest, nov. 2018.
10. V. F. Julienne, « Droit réel de jouissance spéciale et protection de la personne », Dossier Droit réel
de jouissance spéciale et ingénierie patrimoniale : de la théorie à la pratique, Revue Ingénierie patrimoniale,
janv. 2021, p. 63.

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