Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 35

Benoît Joyeux et Bernard Saintourens
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débat justement pour répondre à ceux qui pensaient voir dans cette décision la
réservation, par la haute juridiction, au nu- propriétaire de la qualité d'associé.
Son étude se présente donc comme une riposte en règle à l'égard de ceux qui
présentaient le fondement d'un refus de la qualité d'associé à l'usufruitier sur le
défaut d'apport de sa part. Il n'est pas le lieu ici de reprendre le solide argumentaire
développé, qu'une version synthétique ne pourrait qu'altérer, pour s'en tenir à
sa conclusion : « L'usufruit des parts ou actions correspond toujours à un apport
fait par l'usufruitier lui- même ou par celui dont il est l'ayant droit ». Même si par
quelques arrêts ultérieurs la Cour de cassation a été conduite à devoir revenir sur
l'incidence du démembrement de propriété portant sur des droits sociaux41
, elle n'a
pas véritablement affirmé, de manière claire et expresse, que l'usufruitier devait ou
non se voir reconnaître la qualité d'associé. Quelle que soit l'option qu'elle serait
amenée à prendre, les réflexions de Jean Derruppé seront sur son chemin. Si la
qualité d'associé est reconnue à l'usufruitier, il est probable que son argumentaire
aura produit son effet et, si c'est la position contraire qui devait être retenue, la
moindre exigence, du point de vue scientifique, sera de contredire, arguments à
l'appui, les positions qu'il avait adoptées dans son étude publiée en 1994.
En définitive, le débat reste toujours vif et la récente intervention législative42
,
consistant à modifier l'article 1844 du Code civil pour y insérer la règle selon
laquelle « si une part est grevée d'un usufruit, le nu- propriétaire et l'usufruitier
ont le droit de participer aux décisions collectives » ne saurait être retenue comme
apportant un élément décisif dans la discussion. Certes, la réforme vient renforcer
les droits de l'usufruitier, en les alignant sur ceux du nu- propriétaire, en préservant
son droit de participer aux décisions collectives, ce qui pourrait être compris
comme militant pour la reconnaissance de sa qualité d'associé, mais on pourrait
tout autant considérer que, s'il avait cette qualité, il n'était pas nécessaire de
modifier le Code civil ; le droit de participer aux décisions collectives est un droit
attaché à cette qualité.
Les auteurs de la présente étude ne cachent pas le plaisir de constater que, près
de trente ans plus tard, l'œuvre doctrinale de Jean Derruppé continue d'éclairer les
débats auxquels la jurisprudence et la pratique professionnelle doivent faire face.
41. V. not. Cass. 3e
civ., 29 nov. 2006, n° 05-17009.
42. L. n° 2019-744 du 19 juill. 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des
sociétés, art. 3.

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