Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 40

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Jacques Ellul : du droit romain à l'écologie politique
Ellul parurent en 1935 dans le Journal du Groupe de Bordeaux des Amis d'Esprit. Il
publia son premier article dans la revue Esprit en 1937, mais son groupe se brouilla
avec Mounier la même année7
. Si les émeutes du 6 février 1934 eurent pour effet
de renforcer les sentiments antifascistes d'Ellul, il refusa de se laisser enfermer
dans une logique bipolaire et de réduire son combat au seul plan politique. Son
activité militante ne l'empêcha pas de donner des cours particuliers pour aider ses
parents et payer ses études, d'animer des cercles de jeunes protestants et de rédiger
sa thèse de doctorat. Vraisemblablement en 1935, il publia avec Charbonneau un
texte d'une quinzaine de pages qui contenait en germe les analyses qui le rendront
célèbre sur les campus californiens trente ans plus tard : la technicisation croissante
des sociétés prime sur les différences de régimes politiques, il faut limiter
volontairement la croissance et contrôler la publicité, il convient d'opposer à
l'hubris des sociétés industrielles une attitude de non- puissance, il faut instaurer,
dès la naissance et sans condition, une allocation universelle pour créer une « cité
à hauteur d'homme ». Car « l'homme crève d'un désir exalté de jouissance matérielle
et pour certains de ne pas avoir cette jouissance8
». Ces « Directives pour un
manifeste personnaliste » condensaient l'essentiel d'une pensée destinée, selon
la formule, non seulement à interpréter le monde mais à le changer. En effet,
s'il existe une constante reliant ses œuvres de jeunesse aux écrits de maturité
c'est bien l'affirmation selon laquelle face au fait déterminant de l'universalité de
la technique occidentale, les différences politico- institutionnelles sont parfaitement
secondaires. Bien loin de la limiter au monde mécanisé, Ellul définissait la
technique moderne comme la recherche dans tous les domaines de la méthode
absolument la plus efficace. Ici et maintenant, il pointait l'ambivalence du progrès
technique qui libère autant qu'il asservit. Dans « Le fascisme, fils du libéralisme »
il affirmait notamment que la technique moderne, qui avait joué dans le sens de
l'asservissement de l'homme, pourrait ultérieurement se mettre à son service9
.
Les purges staliniennes visant des hommes qu'il admirait - comme Boukharine
par exemple -, mais surtout le comportement des communistes durant la guerre
civile en Espagne le rapprochèrent des anarchistes. Par l'intermédiaire d'un ancien
camarade de classe, sa future femme Yvette Lensvelt et lui aidèrent de jeunes anarchistes
venus en France se procurer des armes. En 1936, Ellul soutint sa famille,
7. P. Troude- Chastenet, « Jacques Ellul : une jeunesse personnaliste », Revue française d'histoire des idées
politiques, n° 9, 1er
semestre 1999, p. 55-75.
8. P. Troude- Chastenet, Présentation et annotation de l'édition originale des « Directives pour un
semestre 1999, p. 159-177 ; Cahiers Jacques- Ellul, Les années personnalistes, A.I.J.E., Bordeaux,
févr. 1937.
manifeste personnaliste » de B. Charbonneau et J. Ellul, Revue française d'histoire des idées politiques,
n° 9, 1er
2003 ; B. Charbonneau, J. Ellul, Nous sommes des révolutionnaires malgré nous. Textes pionniers de l'écologie
politique, Seuil, 2014.
9. J. Ellul, « Le fascisme, fils du libéralisme », Esprit, n° 53, 1er

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